Déambulation sans but précis, en noir et blanc dans GIRONE, un jour de pluie…
L'idée, ce jour là, était d"aborder GIRONE différemment, par le quartier de Sant - Domenec, en arrivant par le haut de la ville, par exemple. C’est une hypothèse à retenir en période de vacances scolaires car autrement, le quartier universitaire est absolument inaccessible au stationnement. Après avoir serpenté par les ruelles les plus étroites, la sagesse me ramène vers les rives de l’Onyar où l’on peut se garer sans difficulté dans le parking souterrain Salvador Espriu, tout proche de la Plaça Catalunya.
De là peut commencer un déplacement pédestre intuitif comme je l’envisage ce jour là… L’idée est surtout d’essayer d’entrevoir une autre ville, hors les entiers battus et les monuments recommandés, bref pour une fois s’épargner la Girone monumentale et moyenâgeuse pour s’offrir quelques découvertes. Je franchis donc l’Onyar par la Passera de l’Alteres Huarte pour longer la rive gauche du fleuve paresseux, à peine gonflé des pluies des derniers jours ; le déficit est tel qu’il pourrait pleuvoir un mois tout entier avant d’entendre l’Onyar gronder sous les ponts. L’œil attiré par une petite place sur la droite je rejoins l’angle des carrers Albereda et Vern.
Au centre de la Placa Vern, une fontaine rappelle le souvenir de Jacint Verdaguer (1845-1902), « le » poète Catalan, auteur de « L’Atlantide » (1877) et de « Canigou » en 1886. Surnommé le prince des poétes catalans, son activité ecclésiastique fit de lui le confesseur de la famille Güell. Il a du recueillir des confidences sur Gaudi, l’ami de la famille…
Massive, l’église du Sacré-Cœur ouvre l’étroite carrer Albereda ; sur sa droite une belle façade décorée de motifs végétaux en sgraffites dont un en particulier rappelle le logo du National Trust, le hasard.
J’avance vers une large place à arcades précédée sur la droite de la traverse Auriga, premier boyau mystérieux qui s’insinue dans les profondeurs de la ville et que je ne suis pas. Me voici sur la Plaça del Vi, l’ancien marché aux vins, aux arcades coutumières. Je pénètre dans la cour de la Casa Carles, un hôtel particulier du XVIII°, aujourd’hui bâtiment de l’évêché, fortement restauré et aménagé. Au centre de la cour, il subsiste un hall ancien avec un bel escalier ainsi qu’un salle latérale dont un mur porte une plaque évoquant la mémoire de Sant Joan Bosco (1815-1888), fondateur de la congrégation Salésienne dont la branche espagnole fut créée en 1881, en pleine révolution industrielle. Retour sur la Plaça del Vi au bout de laquelle se trouve un palais qui accueille l’Ajuntament de Girona (belle porte en marbre blanc datée de 1605).
La curiosité me pousse au fond de la cour pour découvrir, dissimulé au regard, le Théâtre de la ville. En sortant de l’Ajuntament, le regard se porte sur l’immeuble d’en face dont la façade est élégamment ornée de motifs en sgraffites. Je m’engage naturellement dans la carrer dels Ciutadans ; sur le côté droit, beau magasin ancien, Marescot N°4 avec une façade dans l’esprit moderniste. A l’angle du pujada Sant-Marti se découvre, côté gauche l’austère et beau bâtiment dit de la « Fontana d’Or », centre culturel de Caixa de Girona. Ce vaste édifice est attesté dés 1078, sous la forme première d’un moulin. C’est au XIII° siècle qu’est bâtie une construction civile de type roman qui devait préfigurer ce que l’on peut voir désormais. Bien que des recherches aient été menées, il s’est avéré impossible d’attribuer la construction de ce bâtiment à une grande famille ou institution de l’époque. On sait seulement que la famille Sitjar lui a été associée au XVI° siècle. Pas plus que ses propriétaires il n’a été possible de lui attribuer une fonction particulière, sauf à ce qu’elle ait servi de résidence.
Dans sa période d’agrandissement de style gothique au XIV°, l’édifice se verra compléter d’une belle loggia avec plafonds peints, donnant sur la cour intérieure.
A partir du XVIII°, la Fontana d’Or devient une auberge réputée, propriété de la famille Pou. C’est de cette époque qu’elle tient son nom. Ce bel établissement connaîtra le déclin à la fin du XIX° siècle. Racheté par Joseph Prim qui le réhabilite, il devient, par la suite, le siège de différentes institutions de Girona. C’est enfin, après avoir été déclarée Monument National en 1921, que la Fontana d’Or est achetée, en 1939, par la Fondation Caixa de Girona (la caisse d’épargne locale). L’édifice est à nouveau réhabilité de 1965 à 1979 pour abriter désormais la Fondation Caixa de Girona et devenir un des pôles culturels de la cité, accueillant des expositions de haute qualité (entrée libre). La promenade, au sortir de la Fontana d’Or amène sur la place de l’Oli (place de l’huile). De là, je tente une incursion dans la carrer del Sac ; tentative de courte durée car c’est rue du cul-de-sac qu’il faut comprendre…
De retour sur la place je m’engage cette fois, toujours côté droit, dans le pujada Sant -Domenec, longeant le palais de Caramany (XVI° XVIII°) dont la façade traitée en sgraffites reproduit d’élégants motifs à facettes. je choisis de prendre à gauche, à la fourche, toujours en suivant le passage Sant-Domenec, pour franchir l’arche du palais des Agullana (XIV° XVII°), lui-même constitué en deux parties, reliées par cet espace suspendu. Suit une petite place sans nom ( ?) qui invite à musarder vers la gauche en remontant la carrer Escola Pia ; beau linteau gravé au n° 6. A droite, à la fourche avec la carrer Bellmirall, dans le calme et l’isolement, on se laisse aspirer par l’entrelacs serré de venelles moyenâgeuses.
C’est la carrer Alemanys, sur la droite, qui permet de rejoindre l’Université de Girona, installée sur le vaste site de l’ancien couvent de Sant-Domenec. Franchissant, vers la droite, l’un des accès de la cité romaine, la Porte Ruffino (III°siècle), je rejoins l’esplanade. Le Rectorat moderne de l’Université est installé dans la Casa de les Aligues (l’ancienne université de Girona, édifiée entre 1561 et 1603), ornée d’un blason royal et de deux aigles, origine du nom. Le couvent de Sant-Domenec est ceinturé, au sud et à l’est par l’ancienne muraille, bien conservée. Je franchis la cour du Rectorat pour me diriger vers le pied de l’enceinte dont subsiste, par place, l’appareillage cyclopéen d’origine romaine. L’Université invite à la découverte fortuite et par les constructions neuves de béton et d’acier, un passage ouvert au public permet d’accéder au vaste cloître à deux étages. Le niveau bas, gothique est composé de colonnes géminées surmontées d’intéressants chapiteaux, finement sculptés de motifs floraux mais aussi de scènes relatant la naissance du Christ et la fuite en Egypte. Le second niveau fut ajouté au XVII°. Je traverse librement la Faculté de Lettres pour ressurgir sur la plaça Sant-Domenec, avec sur la droite, l’austère façade de l’église (XIV°) bien à l’image du saint qui lui a donné son nom. La ruelle en degrés qui longe le petit séminaire invite à la descente et me permet de rejoindre la petite place traversée précédemment et il me suffit de filer sur la gauche pour arriver devant la façade de Sant Marti Sacosta, entrevue au pied du passage Sant Domenec. Imposante bâtisse conventuelle, ancien séminaire, ce fut un couvent jésuite de 1581 à 1767, expliquant sans doute l’architecture sans élégance de la construction.
Le chemin se poursuit en descente avec au passage, un curieux ascenseur public, pour rejoindre le centre ville par la carrer Sant-Marti, en logeant, au passage le couvent des Carmes (1729). Me voici revenue devant la Fontana d’or. Cap maintenant sur le call par la Bonaventura Carreras Peralta avec sur le chemin, cette petite pace toute de guingois ou se réfugie un vieux magasin traité dans le style moderniste. La remontée se poursuit par l’incontournable carrer de la Força qui marquait la limite basse de la ville romaine et suit le tracé de l’ancienne Voie Auguste. Au n°8, le Centre Bonastruc ça Porta permet l’accès au Musée des Juifs. En face, la Casa Burguès invite à la découverte de sa belle cour intérieure du XVI° siècle. Quelques mètres plus haut je tourne dans la carrer Sant-Llorenç pour rentrer dans le call et retrouver le charme intime du vieux quartier juif même s’il est certain que les ruelles proposées au promeneur au contemporain n’ont plus rien à voir avec ce qu’était l’architecture du call en 1492, date de l’expulsion de la communauté juive ; peu importe, l’atmosphère agit…
L’envie me prend de tourner à droite pour filer par la carrer LLuis Batle i Prats qui débouche sur une petite place authentique (non-restaurée) et ramène, par des escaliers, à la carrer Claveria.
Je traverse la plaça Lledones, à ma droite pour découvrir, comme il se doit, l’esplanade de la Cathédrale. Une pause dans la traversée urbaine s’impose pour rendre visite et profiter des intéressantes collections du Museu d’Art, compact, riche et bien conçu. La pluie tombe doucement sur la place désertée de la Cathédrale pour laquelle je réserve une visite ultérieure, pas envie aujourd’hui. Le bonheur d’être à Girona seul, s’apprécie dans la descente des escaliers qui ramènent à la carrer de la Força après avoir franchi la plaça Institut Vell. Je passe devant la Maison des Architectes, installée dans la remarquable Pia Almoina, ancienne institution de bienfaisance fondée en 1228. Classée monument Historique en 1979, elle fut restaurée vers 1926. Chemin faisant, sur l’autre côté, le Musée d’Histoire de la Ville mérite le détour, si on le désire ; je choisis de revenir par les Ramblas. Intéressantes façades de magasins dans la partie basse, cependant qu’au n° 25 se trouve l’un des rares édifices modernistes construits dans la vieille ville. Lui fait face un immeuble très étroit décoré d’élégants sgraffites. Voilà une pérégrination qui s’achève par le franchissement du pont de la Pedra pour rejoindre le parking. Girona peut se visiter à son gré, par temps pluvieux, ça lui va très bien, en dehors des grands sites incontournables et promettre encore de belles découvertes…