Vers Tortosa et le Delta de l’Ebre

 

 

Vers Tortosa et le Delta de l’Ebre,

Conquête arabe, Reconquista et Modernisme



Ce nouvel itinéraire complète la découverte de la Catalogne en la parcourant, cette fois, du nord au sud jusqu’à l’embouchure du Delta de l’Ebre en faisant quelques détours, comme c’est la règle du jeu, par des villes peu connues qui recèlent un intéressant patrimoine moderniste...
La présence arabe s’appréciera par la formidable citadelle de la Suda qui domine Tortosa, Sant Cugat del Vallès révèlera le plus important monastère bénédictin de Catalogne, symbole de la “Reconquista“.
Ce copieux programme est parfaitement réalisable en 3 journées avec comme “camp de base » », le Parador de Tortosa.


Journée 1

Au départ de la frontière (Perthus), il faut compter environ 1100 km environ aller/retour.Cap au sud donc, en suivant l’AP7 en direction de Gérone, puis Barcelone, jusqu’à l’échangeur 12 pour sortir et rejoindre Mataro. Cette ville de plus de 100 000 habitants est en bord de mer, sur la Côte de Maresme.Dès 1848, elle fut la première destination à être raccordée par la voie ferré à Barcelone. Ville industrielle ayant connu un fort développement dans le textile, Mataro recouvre un ancien site ibérique qui devint oppidum puis cité romaine d’Iluro. La richesse de son industrie bonnetière va permettre l’éclosion de l’architecture moderniste au tournant du XX° siècle.
On choisira de stationner dans le centre, à proximité de la Riera, axe autour duquel s’articulent les édifices majeurs à découvrir.
En remontant, prendre à gauche la Carrer d’Argentora pour arriver à la remarquable casa “Coll i Regas“, œuvre marquante du modernisme à Mataro, due au célèbre Josep Puig i Cadafalch, natif de la cité.
Elle présente une façade crénelée caractéristique avec tribune reposant sur des colonnes torsadées. A noter l’impressionnant travail de feronnerie. L’entrée principale est surmontée par le bas-relief de la fileuse, symbole de la ville.

 

Revenons sur nos pas pour redescendre la Riera puis tourner à gauche dans la Carrer Nou ; on y découvre successivement la Casa Parera (Josep Puig i Cadafalch 1894) puis la Casa Marfà (Emili Cabanyes 1888), plus historiciste que moderniste.
On rejoint la Placa de Santa Maria pour parvenir sur la Placa Gran où se tient “el Rengle“, charmant petit marché couvert intégrant à la perfection tous les acquis techniques de l’époque (Cabanies / Cadafalch 1892).
Quelques pas encor et c’est la Placa Xica et l’on a, à main droite, l’extraordinaire épicerie “La Confianza“ (Josep Puig i Cadafalch 1894) dont l’intérieur vaut largement l’extérieur. A noter que cette architecture a été remontée dans un immeuble contemporain. Il faut maintenant poursuivre sur la droite par la Carrer d’en Pujol jusqu’à la Riera, remonter à droite puis tourner à gauche dans la Carrer Sant Josep pour aller jusqu’à “La Beneficienza“, bel édifice néogothique (Josep Puig i Cadafalch 1892).
Cette agréable et enrichissante déambulation moderniste achevée, on peut rejoindre son véhicule et prendre la direction de Sant Cugat del Vallès. Pour se faire, sachant que l’on pénètre dans la nébuleuse barcelonaise, toujours complexe, l’usage d’un GPS de qualité est vivement recommandé… à défaut, quittant Mataro, on emprunte la C32 puis la B20, au nord de Barcelone, on passe sur B30 que l’on quitte à la direction “Sant Cugat del Vallès“ qui se rejoint par la BP 1413.


 

L’objet de la visite à Sant Cugat ? Découvrir le site de la plus important abbaye bénédictine du Comté de Barcelone. Située au cœur de la ville historique qui s’est agrégée autour, l’ensemble monumental est fortifié. L’abbatiale de Sant Cugat présente un plan roman à 3 nefs, orné d’une belle façade, sobre et élégante. A l’intérieur, le remarquable retable de “Tous les saints“, traité en bichromie or et bleu, est signé de Pere Serra (1375). Le vaste cloître gothique, composé de 144 colonnes, propose, à travers les 144 chapiteaux qui les couronnent, un magnifique répertoire du savoir-faire des sculpteurs de la fin du XII° avec, en particulier, le travail d’Arnau Cadell.
Le monastère conserve une partie de ses fortifications qui rappellent son rôle important lors de la “Reconquista“.
Quittant Sant Cugat, on récupère l’autoroute E9 (C16) puis l’on suitla direction de Lleida par la B23 jusqu’à rejoindre la direction de “Sant Joan Despi“, proche de l’aéroport.



Retour au “Modernisme“ dans cette petite ville de la banlieue barcelonaise. Il est intéressant de stationner à proximité de la gare qui bénéficie d’un parking libre.
De là, une agréable promenade permet de découvrir de nombreuses réalisations de Josep Maria Jujol i Gibert qui fut collaborateur de Gaudi. Cette influence dans la forme (plus que dans le fond) se retrouve à travers l’étonnante et réjouissante “Torre de la Creu“ (1913-1916).
Toute en rondeurs, elle est considérée comme une des maisons les plus expérimentales de l’architecture européenne en matière de gestion de l’espace intérieur. Elle jouxte les non moins étonnantes “Maisons Auriga“, villa Elena et villa José, œuvres d’Ignace Mas i Morell 1910).
Il faut descendre le Passeig del Canalies puis tourner à droite dans la carrer de les Torres pour rejoindre, à gauche, la Placa de Catalunya où se découvre “Can Negre“ qui mérite qu’on lui porte attention. Edifiée par Jujol entre 1915 et 1930. Il s’agit à l’origine d’une ancienne ferme sur laquelle l’architecte est venu appliquer les canons stylistiques de son époque ; étonnant… De là, se diriger vers la calle Jacint Verdaguer par la carrer del Llobregat. Au croisement, deux intéressantes constructions, la maison Rovira édifiée par Graner et décorée par Jujol et la maisonSerra-Xaus projetée par Jujol. De l’autre côté de la rue, au 31, la villa Jujol, maison double réalisée en 1932 et résidence de l’architecte. En poursuivant la descente de la calle Verdaguer, belles maisons d’Ignaci Mas i Morell (1912) aux façades asymétriques et décorées finement de pierres de rivières et de petites céramiques colorées. Il faut alors tourner à gauche dans la calle del Bon Viatge (logique, elle mène à la gare…) puis tourner à gauche  dans la carrer de Montjuich qui propose d’intéressantes façades aux n° 20,26,28 et 38. Le retour au point de départ se fait en prenant à gauche puis à droite le passeig Maluquer pour y voir la maison Gamisans attribuée à Jujol (1923). Ces petites villes méconnues de la couronne barcelonaise sont méconnues et c’est dommage  car elles recèlent un fort potentiel architectural qui complète agréablement la perception du style moderniste dans une expression plus proche et plus intime.
Voilà une première journée bien remplie, il reste maintenant à parcourir, par l’autoroute A7, les quelques 170 km qui nous séparent de Tortosa et rallier la vieille citadelle arabe de la Suda (715-1148) qui abrite le Parador.

 
Journée 2


 Séjourner au Parador de Tortosa permet d’être au cœur de la vieille cité et de profiter d’une magnifique vue panoramique sur la ville, la vallée de l'Ebre, et le massif dels Ports. Le bâtiment, forteresse d'origine musulmane, se trouve ç l'endroit le plus élevée du casque ancien de la ville de Tortosa. Avec l'occupation chrétienne, le château devient prison publique, et plus tard, résidence royale. La structure de l'ensemble a souffert de fortes modifications aux XV° et XVII° siècles, quand les exigences militaires ont obligé à agrandir le tronçon de murailles et à construire quelques fortins. Après des années d'abandon, la Guerre Civile est venue détruire l'enceinte. Au début des années 80 il a été restauré et, en grande partie, reconstruit, pour accueillir le seul Parador Nacional (Hôtel National) de Tourisme de la démarcation de Tarragone.
De la construction ancienne on conserve les murailles, les arcs d'accès à l'enceinte, à la nave du Polvorí (de la poudrière), à la cour d'armes et à l'important ensemble de galeries souterraines. Différentes campagnes d'excavations archéologiques ont apporté des trouvailles d'origine romaine, arabe, romane et gothique.

Autour du cours fluvial de l’Ebre sont conservés des châteaux anciens de grande valeur historique. Depuis l'époque des Ibères jusqu'aujourd'hui, le rôle structurant du fleuve comme axe de communications a attiré de nombreuses cultures qui ont laissé un patrimoine important architectonique et militaire.

Tortosa se situe à l’extrémité sud de la Catalogne. A l’origine, village ibérique puis cité romaine, enfin diocèse vers 516, la ville fut conquise par les Maures vers 716 puis reconquise par Ramon Berenguer IV en 1148, fut de tous temps un point de convergence avec les anciens royaumes de Valence et d’Aragon. Au débouché de l’Ebre, la ville fut un important marché du blé et de la laine. Sa prospérité déclina après 1833 lorque la ville ne fut pas érigée en capitale de province.
En descendant du Parador vers l’Ebre (mieux vaut éviter la traversée de l’ancien call de l’autre côté) en logeant les jardins del Princeps on parvient à l’avinguda de Remolins qui rejoint le bord de l’Ebre, au niveau de l’Escorxador (anciens abattoirs), bel ensemble de bâtiments de style moderniste avec une inspiration Mudéjar, récemment restaurés et destinés à devenir lieu de culture (Paul Monguió Avril1908). A la jonction avec la rambla de Felip Pedrell, on remonte la costa de Capellans pour se diriger vers la Cathédrale. Ce vaste ensemble du XVI° propose d’abord un intéressant cheminement par les souterrains et tout un réseau de salles souterraines et de passage avant d’arriver à la cathédrale Santa Maria proprement dite. Celle-ci renferme des trésors comme le retable de la vierge de l’Estrella (1351), le retable de la transfiguration (1464) ou encore un étonnant ensemble de chaires, sans bien sûr omettre le cloître gothique de plan trapézoïdal, sobre et élégant. Juste à proximité, on pénétrera dans la cour du Palais Episcopal, d’une grande sobriété avec ses galeries aux arcs lancéolés.


 

En quittant ce remarquable ensemble, la promenade se poursuit en reprenant la rive gauche de l’Ebre, jusqu’au Marché Municipal, imposante réalisation de style moderniste (Joan Monguió Avril 1884-1887). En remontant par la Carrer Teodor Gonzalez, on découvrira au croisement avec la carrer M. de Cervantes, deux beaux immeubles modernistes, les casas Matheu eu Brunet (Paul et Joan Monguió Avril). Suivant la carrer Cervantes jusqu’à la carrer Ramon Berenguer IV, on a à main gauche, la casa Bau dont la belle façade symétrique présente une tribune néo gotique ornée de pinacles et de gargouilles dans le style tant apprécié de la bourgeoisie dans sa quête moderniste. Tout près de là, sur la placa Alfonso XII, est édifiée l’étonnante clinique Sabaté (Josep Maria Jeans 1914), pur délire néo égyptien qui mérite vraiment que l’on s’y attarde.
En rebroussant chemin, par le centre ville, pour rejoindre vers l’ancien call, les collèges royaux, on remonte par la carrer de la Pedrosa pour passer devant la superbe Casa Grego (Paul et Joan Monguió Avril 1908), tout en courbes et en arcs outrepassés, malheureusement dans un état de conservation très moyen…

 

 

Poursuivre le chemin par la carrer de la Mercé pour parvenir à la placa Estudis. Là sont les bâtiments des Collèges Royaux avec, à droite, Sant Domenec et à gauche, SantJaume et Sant Maties. Ces remarquables édifices  du XVI° sont une merveille d’équilibre. Le temps y semble suspendu, il faut en profiter et déambuler à travers les galeries dont les rambardes sont ornées des sculptures royales.
Toutes ces visites prennent pas mal de temps et pour s’aérer, on consacrera la fin de l’après midi à une découverte du Delta de l’Ebre. Ce vaste triangle de 320 km2, accroché au rivage constitue l’habitat aquatique le plus important de la Méditerranée après la Camargue. Cet espace, largement confectionné par l’homme, tend à trouver l’équilibre entre la ressource biologique du Delta et un poids agricole considérable, en particulier avec la riziculture. Cet immense polder, absolument plat exerce une étrange fascination… De Tortosa, il faut aller à Amposta et, de là, se rendre à Poble nou del Delta puis aller au Centre d’Information et d’Orientation installé à la Casa de Fusta. Ensuite, en suivant le réseau de petites routes qui serpentent à travers l’immensité, on met le cap à l’est pour rejoindre, par la rive droite, l’illa de Buda et profiter à l’Alfacada, d’un panorama marin à perte de vue. Des bacs permettent le franchissement de l’Ebre si l’on souhaite revenir par Deltebre et visiter son Ecomusée. Le retour à Tortosa se fait par Amposta.

 

 

Journée 3

Sur le chemin du retour, on s’offrira une dernière escale architecturale en faisant étape à Sitges en oubliant la réputation que cette charmante cité balnéaire s’est faite auprès d’un public ciblé. Une visite au Printemps lève toute équivoque et permet d’apprécier tout le charme de Sitges avant la ruée estivale.
Découverte et révélée au public de la jet-set de  l’époque (fin XIX°) par un certain Docteur Robert (cofondateur de John Deere), le petit village de Sitges va progressivement devenir une place reconnue dans le monde des Arts et de la Culture.

 

 

Ainsi Santiago Rusiñol fut enthousiasmé par Sitges en 1884 quand il découvrit le site, probablement pendant un voyage à Vilanova.
Rusiñol captivé, décida d'y déplacer les collections artistiques qu’il avait jusqu’alors gardé à Barcelone.
Pour loger la collection, Rusiñol acheta deux maisons de pêcheur - can Sense i can Falua - qu'il réunit tout en unifiant la façade dans un style néogothique. L'architecte Francesc Rogent i Pedrosa réalisa ces changements substantiels entre 1893 et 1894 dans les deux maisons où il utilisa des fenêtres de l'ancien château gothique de la ville de Sitges qui avait été démoli pour y construire le nouvel Hôtel de Ville.
Le mouvement moderniste y trouvera là un terrain d’excellence et les belles réalisations ne manquent pas. Place donc à la déambulation. On peut si l’on y parvient, stationner dans la ville haute sur l’avenue Carbonell, non loin de la villa Subur. De là, descendre la carrer Illa de Cuba dont le nom rappelle que nombres d’habitants de Sitges quittèrent leur pauvre contrée pour tenter leur chance à Cuba, alors colonie espagnole puis revinrent au pays après 1898, année de l’indépendance. Au n° 35, à droite, amusant hôtel El Xalet avant d’arriver sur la carrer Jesus que l’on prend à droite vers la placa Cap de Villa. Là, émerge comme un trait la fine flèche élancée de la maison Bartomeu Carbonell i Mussons édifiée par Ignasi Mas iMorell entre 1913 et 1915. La tour de l’Horloge qui coiffe la maison est couverte de cinq toits courts recouverts de trencadis (petites pièces de céramiques).
Suivre ensuite la carrer Major qui mène au front de mer où se tiennent, dans un bel ensemble l’église Santa Bartomeu et Santa Tecla, le musée Maricel et le musée del Cau Ferrat, tous deux malheureusement fermés à cette époque. Ces deux derniers bâtiments tirent leurs origines des XIV° et XVI° siècles et ont subis de multiples ajouts et transformations.
Sur le front de mer, il faut aller vers l’ouest, par le passeig de la Ribeira, long de plus de 3 km qui permet d’apprécier de belles façades dont en particulier celle de la maison Simo Llaurado bâtie en 1908 par le maître d’œuvre Gaietà Miret i Raventos.
A proximité immédiate est le monument à El Greco, sculpté par Josep Reynès en 1897. En retraversant Sitges, on pourra voir, placa de l’ajuntament, l’ancien marché réalisé en 1890 par Gabriel Buigues i Monravà devenu aujourd’hui un espace culturel.

 

 

Il faut maintenant quitter Sitges bien que cette description ne soit heureusement pas exhaustive et songer à retourner vers la frontière française par l’autoroute qui mène droit au Perthus.