En route pour Semur-en-Auxois pour s’immerger au cœur de la Bourgogne et imaginer un parcours de découvertes sillonnant les routes paisibles de l’Auxois et du Morvan. Ce pays, naturel et bien préservé se distingue encore aujourd’hui par son authenticité sincère, simple et chaleureuse.
Le choix de Semur-en Auxois comme “camp de base“ n’est pas innocent car cette antique cité médiévale ceinte de remparts a pour devise depuis le XVI°siècle “les semurois se plaisent forts en l’accointance des estrangeoirs …“ peut-on être plus accueillant ?
Bienvenue donc en Bourgogne !
Semur-en-Auxois est un rêve médiéval. La vieille ville, encore protégée par ses remparts est dominée par quatre hautes et massives tours érigées sur un éperon de granit rose. Ce renforcement des défenses d’un lieu naturellement destiné à l’érection d’une place forte fut l’œuvre du Duc de Bourgogne qui décida d’un renforcement de ses places fortes au XIV° siècle. La ville bien que démantelée en 1602 au terme de la guerre de la ligue garde pourtant un aspect impressionnant.
Au coeur de l’ancienne enceinte du donjon délimité par les quatre tours s’élève, gracile et élégante, la flèche de pierre de la Collégiale Notre-Dame, édifiée à partir de 1225 dans le style gothique flamboyant bourguignon. Le centre de Semur est agrémenté de nombreuses façades à pans de bois ou à colombages et conserve encore les anciennes portes qui en fermaient l’accès. Pour ajouter au charme, la rivière Armançon, qui coule au pied de la cité, invite à la promenade et à la rêverie avec de merveilleux points de vues en particulier vers le Pont Pinard. Enfin, il ne faudra pas manquer de rendre visite au musée de la ville petit bijou récemment réaménagé et plein de tranquille nostalgie…
JOUR 1
Cette première journée sera marquée par l’empreinte cistercienne de l’Abbaye de Fontenay.
Pour s’y rendre depuis Semur, on peut prendre le chemin des écoliers en sortant par la rue de la Liberté (tout un programme) puis en suivant la petite route qui mène à Lantilly (D1b puis D103N).
A Lantilly, si le temps le permet, ce qui n’est pas le cas au moment de ce voyage, on peut apercevoir (on ne visite pas), le château dit "Château aux 100 fenêtres" construit par Charles de Chaugy en 1709, sur l’emplacement d’une forteresse. Acquis en 1775 par l’ancêtre des propriétaires actuels, ses salons jouissent d’une belle vue (par temps clair !) sur le plateau d’Alésia. La petite route serpente en direction de Grignon puis rejoint Fain-lès-Montbard (D119) en franchissant la rivière Brenne, abondante rivière qui a participé à la fixation des populations et au développement de l’activité dans ces contrées. Il faut maintenant suivre la direction de Marmagne puis suivre sur la droite, comme indiquée, la direction de l’Abbaye de Fontenay, s’inscrivant naturellement dans une combe humide, propice à l’établissement cistercien.
Vingt ans après la fondation de l’Abbaye de Citeaux par Robert de Molesme, c’est Bernard lui-même qui, quatre ans seulement après Clairvaux, fonde l’abbaye de Fontenay (seconde fille de Clairvaux) en la seigneurie épiscopale de Touillon, aux confins septentrionaux du diocèse d’Autun. Un sort favorable semble attaché à Fontenay car dés 1139, celle-ci à la bonne fortune d’accueillir Ebrard, l’évêque de Norwich qui saura se montrer reconnaissant et fera preuve d’une grande générosité. Fontenay compte plus de 200 moines quand elle devient abbaye royale en 1269. Malheureusement, en 1359, les troupes des armées d’Edouard III d’Angleterre passent par là et sèment le trouble et le désordre (comme partout ailleurs…).
En 1547, l’Abbaye passe en Commende (attribution d’un bénéfice écclésiastique à un séculier ou un laïc) et Fontenay n’attend même pas la révolution pour, dès 1745, voir la destruction de son réfectoire.
Si, en 1790, on assiste au départ des 8 derniers moines, l’édifice, dès 1791, a la chance d’être transformée en papeterie par son acquéreur. En 1820, c’est la famille Montgolfier qui rachète Fontenay et y installe une manufacture et, en 1852, l’abbaye est classée monument historique. C’est paradoxalement la conversion à usage industriel qui a permis la préservation du site. A partir de 1906, Edouard Aymard, gendre des Montgolfier, décide de redonner à l’abbaye sa conformation originale en la débarrassant des constructions industrielles érigées au XIX°siècle. Ainsi l’abbaye retrouve-t elle la pureté de son implantation première, bien perceptible aujourd’hui. Ce lieu de sérénité autant que de spiritualité s’apprécie hors saison, privilégiant une déambulation contemplative et méditative comme il sied à ce lieu.
L’église abbatiale, achevée en 1147 et consacrée par Eugène III, pape de l’époque, a perdu son porche d’accès au XVIII°. D’un style roman très pur, elle respecte la volonté de Bernard de Clairvaux d’un édifice dépouillé de toute ornementation susceptible de provoquer la distraction. Le cloître, intégralement préservé est orné d’élégants chapiteaux. C’est donc 29 ans après sa fondation primitive que l’abbaye pouvait voir l’achèvement de son église ce qui donne la mesure du temps de l’édification d’une abbaye que nous observons aujourd’hui dans sa plénitude. De fait la construction s’est échelonnée sur près d’un siècle (A ce sujet, il faut lire le livre de l’architecte Fernand Pouillon, “Les pierres sauvages“, étonnant roman sur l’édification de l’abbaye du Thoronet).
Le bâtiment dit de la forge semble bien être l’une des plus anciennes usines métallurgiques d’Europe, les recherches ayant confirmé la présence de puits de mines à proximité immédiate du site.
Le temps reste exécrable (on ne choisit pas…) avec un plafond bas et des nuages qui traînent au sol à moins de 400m d’altitude ; c’est dans cette atmosphère cotonneuse que l’on file vers Venarey-lès-Laumes (D905) tout proche du site d’Alésia. Egalement à proximité, sur la gauche, le château de Bussy-Rabutin mérite que l’on fasse le détour. Erigé aux XVI° et XVII° siècles, cette propriété d’un courtisan qui connut la disgrâce sous Louis XIV recèle une collection de portraits d’un grand intérêt.
La route suit maintenant l’Ozerain par la D9 qui traverse Alise-Sainte-Reine pour rejoindre Flavigny-sur-Ozerain. A presque 500m de hauteur, Flavigny, ce jour là noyé dans les nuages, dictille un charme mélancolique.
Après avoir servi de camp pour l’armée romaine lors du siège d’Alésia en 52 av. JC, Flavinium retrouve la faveur des puissants avec les seigneurs burgondes qui, en 719, y installent une abbaye bénédictine. Il en subsiste la crypte qui se visite gratuitement, dans l’enceinte du confiseur qui réalise la délicieuse “Anis de Flavigny“. La cité médiévale, au long d’une agréable déambulation, révèle,d’anciennes constructions du XIII° au XV° siècles, groupées autour de l’abbatiale.
Au terme de cette première journée, on regagne Semur-en-Auxois par la D9 en passant par Pouillenay.
JOUR 2
Cette seconde journée, sans amélioration notable de la météo, est plus pérégrine puisqu’elle va nous mener au point de départ de l’un des Chemins de Compostelle, en l’occurrence, la Via dite Lemovicensis. Cap donc sur Vézelay ou plus précisément Asquins, le vrai lieu d’origine du chemin (pour autant qu’il y ait quelque chose de vrai !).
Cette voie prolonge les itinéraires venant des régions nord-nord-est : Belgique, Pays-Bas, Allemagne et au-delà. Des itinéraires balisés et documentés permettent aujourd'hui de rejoindre Vézelay depuis Maastricht et Aix-la-Chapelle.
Sur le tronçon de Vézelay à Gargilesse dans l'Indre, deux branches distinctes coexistent. La branche nord passe par Bourges, la branche sud par Nevers. La voie poursuit ensuite par La Souterraine, Limoges, Périgueux, La Réole, Roquefort-des-Landes, Mont-de-Marsan, Orthez, Saint-Palais, Ostabat, puis Saint-Jean-Pied-de-Port.
A l’aller, pour gagner du temps (en foction de la météo), on peut rallier directement Avallon par l’autoroute A6 et faire étape dans cette intéressante ville de 7000 habitants qui domine la vallée du Cousin. Bien protégée derrière sa muraille, Avallon conserve un centre ville médiéval plein de charme. A remarquer l’église Saint Lazare avec ses portails ornés d’ étonnantes colonnes torses complexes et d’une inspiration presqu’orientaliste… Sur la Place d’Armes, une statue de Bartholdi rappelle que le génial Vauban est enfant du pays.
La D957 mène d’Avallon à Vézelay. Hors saison, les marchands du temple sévissent en d’autres lieux et laissent Vézelay à peu près déserte et l’on peut monter à pied vers la Madeleine avec sérénité.
C’est depuis ce lieu que Bernard de Clairvaux, dans un rôle de va-t-en guerre qui contraste fortement avec l’atmosphère paisible de Fontenay, visitée la veille, que fut prêchée la seconde croisade en 1146, sur instruction du Pape Eugène III. Cette croisade fut un échec lamentable, concentré de trahison, de reniement et de lâcheté…
Toutefois, c’est seulement en 1215 que fut achevée l’abbatiale telle que nous pouvons la contempler de nos jours. Menacée de ruine au XIX° siècle, la Madeleine de Vézelay est sauvée par Prosper Mérimée et restaurée par Viollet-le-Duc.
Sa longue nef de plus de 60 mètres de long est reconnaissable entre toutes par ses arcs doubleaux en plein cintre, réalisés en claveaux de pierre bicolore. Précédée d’un vaste narthex, la basilique est édifiée sur une crypte carolingienne. Ce qui frappe le visiteur, après avoir longuement contemplé les sculptures du tympan avec le Christ dans sa mandorle, c’est bien sûr l’abondance et la richesse des chapiteaux qui composent à eux seuls une “Bible de pierre“ ; historiés ou décoratifs ils sont aussi représentatifs des styles différents des ateliers qui ont travaillé sur un long espace de temps.
Quittant Vézelay on descend comme évoqué à Asquins pour voir l’église Saint Jacques. Fortement remaniée au fil des siècles, c’est surtout le cadre du village au pied de la butte de Vézelay qui justifie la visite.
Quittant Vézelay, on repasse par Avallon pour gagner la vallée du Serein en suivant la D86 qui, franchissant L’Isle-sur-Serein, nous mène à Noyers. L’histoire tient une large place ici. Dominé par une château à triple enceinte qui s’accrochait à la pointe d’un éperon, le lieu fut de tout temps d’une grande importance stratégique et c’est miracle de voir un ensemble de maisons du XV° siècle aussi bien conservées (il n’y a pas moins de 78 bâtiments inscrits ou classés Monuments Historiques) ainsi que de sculptures en bois de la même période. Ici le temps est vraiment suspendu mais sans nostalgie pesante ; les rues invitent à la promenade entre maisons à pans de bois ou à colombages dans un état exceptionnel, loin de toute restauration tapageuse…
La position isolée du village l’a sans doute préservé d’un trop grand afflux touristique et de ses conséquences. De Noyers on retourne sur ses traces pour aller à Epoisses (D86/D11/D954). Chemin faisant, il faut faire étape à Montréal. L’ancien Mont Royal a en effet accueilli la Reine Brunehaut au VI° siècle. Le village féodal s’échelonne au fil d’une longue rue bordée de belles maisons en pierre du XV°, serpentant vers la colline dominante. Au sommet, la collégiale du XII° à l’intéressant portail, recèle un ensemble de stèles sculptées du XVI° remarquable.
Si le fromage du même nom a porté sa réputation au-delà de la Bourgogne, la petite cité d’Epoisses mérite bien une visite pour son château qui tire ses origines du Moyen-âge, même si une grande partie fit les frais de la révolution… L’accès au château se fait par un pont qui n’est plus “levis“, franchissant un large fossé désormais asséché. L’église, du XII°, était la chapelle privée où avait lieu l’inhumation des seigneurs du lieu. Le vaste colombier du XVI° siècle comporte 3000 niches. Le reste du château offre des façades aux styles s’échelonnant des XVI° au XIX° siècles, le tout largement ouvert sur un parc certainement très beau à la belle saison…
D’Epoisses on rejoint Semur-en-Auxois tout proche.
JOUR 3 ou plus…
Une troisième journée peut être consacrée à la découverte de Dijon et que nous traiterons dans un prochain chapitre de “Carnet de sentier“.
Sinon, s’en retournant vers le nord, une étape s’impose pour la visite d’Auxerre dont le centre-ville offre de beaux exemples d’architectures à pans de bois. Mais c’est la visite de l’abbaye Saint Germain qui requiert toute notre attention. Edifié selon la règle bénédictine, cet ensemble permet une lecture des styles à travers les époques carolingiennes, romanes, gothiques et classiques. L’abbatiale, baignée de lumière (le soleil est revenu !) est d’une élévation majestueuse. Des peintures murales relatant le martyre de Saint Etienne ornent la crypte du IX° siècle.
Rentrer est un plaisir quand une étape cistercienne majeure vous attend en chemin : en effet, Pontigny n’est guère éloigné d’Auxerre et la visite de son abbaye s’impose. Seconde fondation de l’ordre de Citeaux, elle est établie en 1114, presque en plaine, en comparaison des profonds vallons qu’affectionnaient les moines pionniers dans leurs implantations. Cette installation en terrain plat donne encore plus de relief et de puissance à cet immense édifice long de quelques 120 mètres. A l’intérieur, après avoir franchi un court narthex, c’est la clarté et une absolue sobriété, propice au recueillement. Sublime architecture exécutée dans un calcaire blanc qui accroche le moindre effet de lumière… Brutalement, la rigueur cistercienne s’interrompt à mi-nef, la vue barrée par une clôture de chœur, du goût du XVII° et des abbayes en commende. S’ensuit une profusion de stalles, avec, derrière l’autel, élevé sur des colonnes, le tombeau monumental et baroque de St Edmund d’Abingdon, canonisé en 1246. De même que ses prédécesseurs Thomas Becket et Etienne Langton, déjà accueillis à Pontigny, c’est sur l’invitation de Blanche de Castille et de Saint Louis, qu’Edmund, en conflit avec Henri III termina sa vie en France pour être enterré (si l’on peut dire…) dans l’abbaye après sa mort en 1242 à Provins.
A suivre prochainement d’autre chapitres sur la Bourgogne.