Randonnée architecturale à Charleroi

Randonnée Architecturale à Charleroi

 

Charleroi n’est sans doute pas la destination la plus exotique qui soit mais, justement, parce que la direction peut sembler incongrue, faut-il se débarrasser des préjugés que l’on peut avoir sur la vieille cité minière.

La ville a été riche et prospère et les bourgeois et industriels qui ont fait fortune dans la dernière moitié du XIX° siècle ont-ils cru nécessaire, comme leurs homologues catalans, de se distinguer par des réalisations architecturales démonstratives, comme y invitait le style Art Nouveau entre 1885 et 1910.

 

Charleroi, une histoire récente

Sur la base du hameau de Charnoy, les espagnols décidèrent la construction de la forteresse de Charleroy en 1666. Sans combattre, la place forte devint Charleroi et française dès 1667. Le plan rayonnant de la ville haute qui nous intéresse dans cette première visite s’inscrit naturellement dans l’ancienne structure militaire.

Charleroi a connu son âge d’or pendant un siècle du milieu du XIX° au milieu du XX° siècles. Ville industrielle de première importance dans les domaines du charbon, de la métallurgie et du verre, elle se paya même le luxe d’organiser une exposition universelle en 1911 ; une petite Barcelone, en quelque sorte…

Si aujourd’hui la cité compte environ 200 000 habitants, l’impression de grande détresse économique est omniprésente et laisse la sensation d’une ville à l’abandon…

Il faut s’affranchir de ce mauvais ressenti et partir à la découverte d’un centre ville étonnant qui recèle quelques pépites bien représentatives du mouvement « Art Nouveau » et de très intéressants édifices dans les styles « Art Déco » et « Mouvement Moderne ».

Un grand problème toutefois, la quasi absence de plaques de rues et des numéros de maisons illisibles ou introuvables… Il faut donc s’armer d’une solide patience et ne pas hésiter à se renseigner auprès des autochtones. L’Office de Tourisme est à l’angle de la rue la Montagne et de la place Charles II, un plan ville est à disposition de l’aventurier qui va s’aventurer en « terra incognita »…

 

Depuis la place Charles II

C’est le point de départ naturel de cette déambulation. De cette vaste place ronde dédiée au souverain d’Espagne au moment de l’édification de la citadelle, émerge le beffroi de l’Hôtel de Ville, de style classique mâtiné d’Art Déco. Cette œuvre monumentale, érigée (1936) par les architectes Jules Cézar et Joseph André se voit opposée à l’église Saint Christophe de style Baroque tardif (1723) a été considérablement remaniée en 1956. Elle y a gagné une entrée principale ornée d’une sculpture moderne de Saint Christophe, sur le rue Vauban.

C’est la rue Neuve que l’on empruntera vers le nord, où quelques façades aux n° 23, 25, 26 commencent à éveiller l’intérêt.

A l’intersection avec le boulevard Paul Janson, en s’engageant dans l’avenue de Waterloo, beau monument aux Martyrs des Deux Guerres. Côté droit aux n° 5, 7 et 9, bel et sobre ensemble de maisons (1910) construites par les architectes Clercx & Carpet dans un style « Art Nouveau » étonnant de retenue et de dépouillement (dans un souci d’économie ou de discrétion ?). Prendre un peu plus loin, à droite, la rue Huart Chapel, pour s’intéresser aux façades en briques vernissées des n° 7 et 9 (1913), élégamment décorées par un beau travail de vitrerie, de menuiserie et de ferronnerie.

On parvient rapidement dans la rue Léon Bernus. C’est l’axe le plus intéressant et le plus représentatif de l’architecture novatrice de Charleroi au début du XX° siècle, la plupart de ses maisons se parant plus ou moins d’éléments décoratifs liés à « l’Art Nouveau ».

Aux n° 1 et 3, de beaux sgraffites ont malheureusement subis les outrages du temps et de la pollution ; plus loin au n° 14, la maison (1909) du directeur des Verreries Jumet est ornée de médaillons dans l’esprit antique, cependant que le n°38 s’orne d’une belle entrée. Toutefois c’est le n° 40 qui concentre l’intérêt du visiteur. L’étonnante « Maison des Médecins » (1908), réalisée par l’architecte Machelidon mêle harmonieusement la plupart des ressources disponibles, faisant de cette façade un catalogue du savoir-faire des artistes et artisans de l’époque. En partie droite on appréciera le bow-window s’inscrivant dans un arc outrepassé. L’œil se régale à retrouver présents sur la façade la plupart des codes stylistiques de « l’Art Nouveau », déjà sur le déclin. Les n° 42 et 44 signés par le Prolifique Edgard Clercx présentent un bel équilibre, enfin aux n° 43 à 49, on remarquera un vitrail en imposte représentant un faisan.

La rue Bernus aboutit à la rue d’Angleterre que l’on prend à gauche. A remarquer, côté droit, à partir du n°3 de belles façades en briques (1930) dans l’esprit du « Mouvement Moderne ».

Arrivé à l’avenue de Waterloo, la redescendre jusqu’à l’intersection avec la rue Fagnart que l’on emprunte sur la droite. A son extrémité, à l’intersection avec le boulevard Solvay, se tient la très remarquable maison Bertinchamps, (1926), sans doute le plus beau témoignage qui soit de la période « Art Déco » à Charleroi. Imaginée par les architectes Depelsenaire et Laurent, cette vaste maison d’une rare intelligence dans l’usage des matériaux représente une sorte de perfection dans leurs mise en œuvre.

Cette réalisation mérite absolument le détour et justifierait presqu’à elle seule une visite à Charleroi !

Il faut ensuite redescendre le boulevard Solvay pour parvenir à la Maison Lafleur (n°7).

Edifiée en 1908, elle s’inscrit volontairement dans l’esprit « Sécession viennoise », mêlant rigueur verticale et formes trapézoïdales avec beaucoup d’élégance.

Poursuivant le boulevard Solvay, c’est la Place du Manège qui se présente, où l’on découvre l’imposant Palais des Beaux-Arts d’un rude style néo-classique dû au crayon de Joseph André et inauguré en 1957.

De retour sur la Place Carles II, on va quitter la ville haute et descendre au sud par la rue de la Montagne. A mi-chemin, au n° 38, une intéressante façade verticale est décorée d’un beau sgraffite attribué à Paul Cauchie. Au pied de la Montagne, on aboutit à la Place Albert Ier, espace mal déterminé d’où l’on ira chercher, sur la gauche, la rue de Marcinelle qui, aux n° 34-40 présentes d’intéressantes façades dues à Zacharie Clercx (belle fenêtre outrepassée).

En bout de la rue de Marcinelle, on remontera successivement la rue de l’écluse, la rue de Pont Neuf (a gauche, intéressante façade du grand magasin «  Notre Maison »), puis la rue W. Ernst pour parvenir à la rue Tumelaine que l’on prend sur la gauche. A l’angle avec le boulevard Defontaine se situe la « Maison Dorée » érigée par A. Frère en 1899 pour le compte d’Adolphe Chausteur, riche industriel verrier. Sa façade s’organise autour d’un immense sgraffite rayonnant dont le motif central triangulaire pourrait sembler d’origine maçonnique… On remarque de nombreux motifs végétaux et d’intéressantes ferronneries.

Poursuivant la rue Tumelaire, on rejoint la rue Vauban par la façade arrière de Saint Christophe, près de la place Charles II, notre point de départ.

Fin de ce premier circuit découverte de Charleroi.