Au cœur de l’Espagne, juillet 2011
Après avoir parcouru un grand tiers nord-est de l’Espagne, il faut naturellement s’éloigner de ses bases pour aller à la découverte de la région centre de l’Espagne, autour de ce point de gravité qu’est Madrid. Le périple, proposé au long de 6 journées, se déroule sur environ 2000 Km au départ de la frontière française (le Perthus). Il ne peut bien sûr prétendre à la moindre exhaustivité et constitue une invitation à une première découverte de vaste zone qui s’étend du sud de Saragosse à Tolède avec Madrid pour épicentre. Il y a bien sûr des manques et des oublis, des coups de cœur et quelques déceptions, des choix discutables et des regrets d’être passé si près et de ne pas avoir vu… mais n’est-ce pas le principe même du voyage de découverte que le regret nourrisse l’envie de revenir et de comprendre. La fin du mois de juillet est l’assurance du forte chaleur et d’une moindre présence touristique ; c’est un choix mais ces hauts plateaux de la péninsule, écrasés de chaleur disent bien ces extrêmes qui font un pays et qui demanderait à être croisée avec le même parcours au cœur de l’hiver, Espagne, terre de contrastes, c’est une banalité…
De la frontière française, la route ou plutôt l’autoroute, après avoir tangenté Barcelone, frôlé Lleida, entre au cœur d’une vaste plaine de semi altitude pour filer vers Saragosse qui ne fait pas partie de ce voyage mais sera traité à part car déjà visité.
Jour 1 Belchite, Siguënza
Après avoir parcouru près de 500 km, on quitte l’autoroute AP2-E90 une dizaine de kilomètres avant Saragosse pour prendre la direction de Belchite (sortie 1) pour suivre la très rectiligne A222 et parvenir à Belchite. Cette étape du souvenir rend hommage à la terrible guerre civile qui embrasa l’Espagne de 1936 à 1939. En effet, la bataille de Belchite fut particulièrement intense et violente. Faisant suite à l’échec républicain de Brunete, bataille perdue qui aurait dû soulager le flanc ouest de Madrid, la prise de Belchite s’inscrivait dans un mouvement offensif destiné à encercler Saragosse par le sud.
Comme trop souvent dans le camp républicain, atermoiements, discordes et trahisons diverses aboutirent à la prise de Belchite après de féroces combats, puis à son abandon par incapacité à tenir la position en l’absence de renforts…
Ces combats concernèrent près de 150 000 hommes du 24 août au 17 septembre 1937.
Après la victoire, Franco voulut faire de Belchite un mémorial, la ville fantôme ruinée symbolisant les malheurs de la Guerre d’Espagne. Aujourd’hui accessible la déambulation dans les rues, le parcours au cœur des édifices dévastés sont un moment d’émotion profonde et justifie pleinement ce détour.
Quittant Belchite, on prend l’A220 qui passe à Fuentetodos, ville natale de Francisco de Goya, le 30 mars 1746. Poursuivre en direction de Calatayud au raccordement avec l’autoroute Saragosse – Madrid. Une visite brève de la ville d’origine romaine (Bilbilis Augusta) devint une place forte arabe et s’appelait alors Qal’atAyyub, le château d’Ayyub. La ville était protégée par 5 châteaux et de nombreuses murailles. Aujourd’hui, elle présente un intérêt pour son patrimoine de style Mudéjar.
A propos de l’art Mudéjar : Le mot mudéjar vient de l’arabe (mudajjan, « domestiqué »), qui donna, par altération en espagnol, mudéjar. C'est le nom donné aux musulmans d’Espagne devenus sujets des royaumes chrétiens après le XIe siècle, pendant la période de tolérance.Les mudéjars parlaient le castillan ; s’ils avaient oublié leur langue maternelle, cependant ils continuèrent d’écrire la langue romane mais avec les caractères arabes, d'où le terme Aljamiado.
Disposant d'un statut particulier, les mudéjars formèrent des îlots de l'Islam jusqu'à ce que, placés par les autorités chrétiennes devant l'alternative de la conversion ou de l'exil, ils eussent disparu définitivement d'Espagne. La politique de pureté de sang qui fut mise en œuvre à partir du XVe siècle vit se succéder les persécutions contre cette communauté. Le 14 février 1502 est promulgué un édit qui impose aux mudéjars de Castille de choisir entre la conversion et l'exil. Sous le nom de Morisques, d'importantes communautés de nouveaux convertis se maintiendront en Espagne avant de disparaître totalement à la suite de l'édit d'expulsion de 1609. (source Wikipedia 2011)
Calatayud possède de belles églises, en particulier Santa Maria la Mayor qui méritera la visite dès l’achèvement des travaux de restauration ; à défaut, on s’intéressera à San Juan el Real dont les appuis de la coupole du transept sont ornés de peintures de jeunesse de Goya représentant les pères de l’Eglise. On ne manquera de remarquer l’intérêt que portent les cigognes aux beaux clochers mudéjars de la ville !
La route se poursuit (autoroute A2) pendant 25 Km pour parvenir au monastère de Santa Maria de Huerta. Ah, la belle abbaye! Fille de Citeaux, cet édifice cistercien fondé en 1162 fut achevé au XII° siècle. L’entrée se fait par un portail Renaissance qui précède une vaste esplanade avec, en fond, l’église, édifiée à la fin du XII°.
On pénètre ensuite par le cloître de l’hôtellerie, édifié au XVII°. On parcourt ensuite, dans le plus pur style cistercien, la salle des frères convers, pour arriver au cloître des Caballeros. Cette dénomination est due à la présence des sépultures nombreuses de chevaliers ayant participé aux batailles de la Reconquista. La partie haute du cloître est surmontée d’une décoration abondante dans le style plateresque (1531).
La cuisine, remarquable, est encore équipée d’une monumentale cheminée centrale qui sert d’appui à la croisée d’ogives. Le réfectoire, superbe salle gothique sans le moindre pilier est orné d’une chaire de lecture dont l’escalier en galerie est incorporé dans le mur. L’abbatiale, édifiée au long du XII°, présente, en son centre un vaste Coro Alto, sorte de premier chœur accueillant les stalles et qui permettait d’établir la distinction entre l’église universelle et l’église du couvent.
A propos du style plateresque
Le style plateresque (plateresco en espagnol) est un style architectural de transition entre l'art gothique et la Renaissance. Il s'est particulièrement développé en Espagne, de la fin du XVe jusqu'à la fin du XVIe siècle. On distingue une première époque, de 1480 à 1520, souvent appelée « gothique isabélin », puis la seconde, de 1520 à 1560, nommée « Renaissance plateresque ». Ce style gothique a ses caractéristiques propres qui le distinguent d'autres formes de gothique tardif ou d'art renaissant. Le terme fut utilisé en 1539 par l'écrivain espagnol Cristóbal de Villalón, qui comparait la façade richement ornée de la cathédrale de León au travail d'un orfèvre : le terme « plateresque », qui signifie « à la manière des orfèvres », servit donc à nommer ce style complexe, s'apparentant plus au travail du métal qu'à celui de la pierre. (d’après source Wikipedia 2011)
Siguënza constitue la prochaine étape et le terme de cette journée. La ville qui compte environ 1000 habitants à environ 1000m d’altitude est construite sur une colline couronnée d’une puissante forteresse arabe, elle-même érigée sur une substrat celtibère. La petite cité déjà à la pointe de la résistance à l’envahisseur romain tomba sous le joug arabe au VIII) pour redevenir chrétienne en 1120. Depuis la citadelle devenue Parador après d’importantes restaurations, une vaste place en pan incliné permet de rejoindre la calle Mayor, bordée de vieilles demeures aux façades armoriées. Chemin faisant, on arrive à la Casa del Doncel (XV°) demeure de Martín Vázquez de Arce le Doncel de Siguënza, aristocrate et militaire castillan( 1461 - 1486 ) qui trouva la mort lors de l’ultime bataille pour la conquête de Grenade. A proximité se trouve l’église San Vicente de style roman. Sur la Plazza Mayor, vaste quadrilatère entouré de colonnades se situe l’Ayuntamiento de style renaissance (1511). Siguënza fut un vaste domaine ecclésiastique couvert d’édifices et s’en détache la cathédrale dont la construction démarra sitôt la Reconquista effectuée pour s’échelonner sur environ 4 siècles. Edifiée dans l’esprit cistercien par des maîtres d’œuvres français, la cathédrale, de vastes dimensions est riche de nombreuses œuvres, en particulier, l’étonnant tombeau d’el Doncel, évoqué précédemment. Le page d’Isabelle la Catholique a été immortalisé, livre en main, épée au côté pour symboliser l’alliance de la sagesse et de la force. Cette œuvre serait due au talent de Sébastiàn de Almonacid, vers 1492, à Guadalajara. Au bas de la Cathédrale, on suivra l’Alameda par laquelle on rejoint successivement l’église San Francisco, la chapelle San Roque ou encore le Collège des Infantes, vaste édifice baroque de Bernasconi.
Au terme de cette première journée riche en découvertes et en monuments, le Parador de Siguënza offre les meilleures conditions de confort .
Jour 2 Madrid
Au départ de Siguënza, il faut récupérer l’autoroute A2-E90 qui file plein sud-ouest vers Madrid en descendant progressivement du plateau.
Madrid est une ville d’apparence élégante, très verdoyante au long des grands axes du centre-ville et profitant de larges espaces. Dépourvue de monuments remarquables, cette capitale récente (XVI°) donne l’impression d’avoir concentré les richesses accumulées dans l’exploitation de ses colonies dans les musées, remarquables au demeurant que l’on rencontre au long du paseo del Prado. Au cours de ce rapide séjour, l’intérêt se portera sur la vieille ville, modeste quadrilatère délimité, au sud, par la Puerta de Toledo, à l’ouest, par le Palais Royal, au nord par la Gran Via et à l’est par le Paseo del Prado (soit environ 3 x 3 Km). C’est largement suffisant pour une première découverte d’une journée et demie, environ. Ayant choisi un hôtel de bon confort avec parking privé (un luxe à Madrid), en l’occurrence l’hôtel Ganivet, calle de Toledo, c’est donc par le sud de la cité que commencera la promenade.
Remontant la populaire calle de Toledo, on parvient à la plaza Mayor, l’ancienne Place Arraba où se tenait le marché. D’esprit très « Habsbourg », la plaza Mayor se signale par deux constructions majeures héritées du temps des marchés ; la casa de la Panaderia (boulangerie), au nord, coiffée de deux hautes tours. Commencée vers 1617 par Diego de Sillero elle fut achevée par Juan Gomez de la Mora. Sa façade peinte telle qu’on peut la deviner aujourd’hui à travers les échafaudages, fut réhabilitée en 1992 par Carlos Franco. Au sud de la place, la Real casa de la Carniceria (boucherie) lui fait face. Au centre, c’est le roi Philippe III, tout de bronze vêtu (1608) qui surveille les lieux depuis 1847.
Quittant la Place par la calle Mayor, il faut aller vers l’est, le levant pour arriver, comme il se doit, à la bien-nommée Puerta del Sol. Vaste place semi-circulaire sans grand intérêt sinon d’attirer les rassemblements populaires, c’est Charles III qui en occupe le centre ; des chevaux qui supportent les souverains, on ne dit rien, c’est injuste ! Par la calle San Jeronimo on arrive au Paseo del Prado, au niveau de la Fuente de Neptuno, de style néo classique ; elle fait pendant à la Fuente de Cibeles, au nord du Paseo. On est face au Museo Nacional del Prado. C’est un musée considérable et incontournable pour une première visite. Il faut savoir lui consacrer les quelques heures nécessaires et indispensables. Ici semble concentrée toute la richesse de l’Espagne qui fut la première mais éphémère puissance du monde, à défaut que celle-ci ait profité au développement du pays. Il se dégage un sentiment de nostalgie poussiéreuse de ce pays qui fut immensément riche, il reste…le Prado. Là, le temps semble figé. Sur le plan de l’agrément, le Prado est d’un ennui total, sans logique d’espace ni de temps. Il faut donc être patient et accepter de longues déambulations dans un joyeux désordre chronologique et thématique. Les chefs d’œuvre sont toutefois bien là et l’on ne boude aucunement son plaisir à la contemplation de peintures dues au talent (entre autres) de Fra Angelico, Memling, Bosch, Dürer, Titien, Véronèse, El Greco, Zurbaran, Velasquez et, bien sûr, Goya !
Deux autres musées majeurs font la fierté de Madrid : l e Musée Thyssen et le Musée Reine Sophie, ils seront à découvrir dans une prochaine visite de Madrid. Sortant du Musée on remonte le Paseo del Prado, bel axe verdoyant vers la Fuente de Cibeles. De là, cap à l’est en remontant la Gran Via, sorte de grand axe dont le style mal défini tente une impossible synthèse entre l’Amérique et l’Europe de l’Est. Des édifices puissants et austères, rythment cette voie à l’exubérance très contenue. Survient alors la plaza del Gallao. De là, prendre à gauche l’axe commerçant de la calle Preciados qui passe à proximité du Real Monasterio del Descalza Reales, couvent de Clarisses fondée par Jeanne d’Autriche, fille de Charles Quint, en 1559. Cette construction dont le style fait la jonction entre le gothique tardif et le style Renaissance, à la manière madrilène, use de la pierre et de la brique. A l’intérieur, belles collections de portraits royaux et d’œuvres d’inspiration religieuse dues au talent de Zurbarán, Titien, Breughel l’ancien et bien d’autres artistes. Rejoindre ensuite la calle Arenal sur la droite pour aboutir à l’Opéra Théâtre Royal de Madrid, bâtiment de style éclectique sans charme particulier. C’est un des plus célèbres Opéras au monde à la programmation prestigieuse. Longeant le bâtiment vers la verdoyante plaza de l’Oriente, on aboutit au vaste ensemble du Palais Royal. Edifié sur l’emplacement de l’ancien Alcazar d’origine arabe sous les règnes de Philippe V puis de Charles II, il se présente aujourd’hui comme un édifice de style néo-classique ponctué d’éléments baroques. Se prolongeant au sud par la plaza de la Armeria, l’espace se referme par la Cathédrale de la Almuneda, érigée au XX° siècle avec un certain sens du pastiche historiciste, mêlant adroitement les styles néo-classique, néo-gothique et néo-roman, afin d’être certain de n’oublier personne… On quitte le lieu sans regret particulier pour se plonger dans les racines du vieux Madrid historique, gardant le meilleur pour la fin.
Au chevet de la Cathédrale, prendre la calle Mayor pour rejoindre la charmante Plaza de la Villa. Là souffle encore l’esprit médiéval de la vieille cité et l’on y découvre avec plaisir des éléments architecturaux de style Mudéjar. L’ancien Hôtel de Ville (XVI°) à la façade ornée d’une galerie de colonnes toscanes fait face à la tour de Lujanes du XV° qui accueillit un prisonnier de marque en la personne de François Ier lui-même au sortir de sa défaite à la bataille de Pavie. Le centre de la place est orné d’une statue de l’Amiral Alavaro de Bazan, héros en 1571 de la bataille de Lépante. Tout près se trouve le charmant et très animé marché de San Miguel. Revenant sur ses pas, descendre la calle del Cordons jusqu’à l’église San Pedro (XVI°), flanquée d’une belle tour mudéjare du XV° siècle. Tournant à droite, on rejoint la tranquille Plaza de la Paja, l’ancienne place de la Paille, cœur de la ville ancienne. Les petites rues adjacentes invitent à la promenade jusqu’à la Plaza de los Carros, zone où abondent les petits restaurants de quartiers au long des calle Cava Baja et Cava Alta.
Ici prend fin cette première immersion dans Madrid, ville complexe qui appelle d’autres rencontres pour en apprécier toute la subtilité.
Jours 3 & 4 Toledo
Imaginer un circuit impose un temps imparti à chacun des lieux à visiter ; en Espagne, c’est un déchirement permanent tant le pays est riche ! Toutefois, quitter Madrid pour Tolède est un déchirement très acceptable…
La liaison autoroutière (A42) entre Madrid et Tolède est absolument dénuée d’intérêt, donnant l’impression de traverser une interminable zone industrielle pendant 50Km… Cela s’arrange en parvenant à Tolède, bien posée sur un mamelon entouré par le Tage. Le lieu avait déjà attiré les romains qui bâtirent là l’antique Toletum qui allait devenir au cours du VI°siècle le siège de la monarchie wisigothique. De 711 à 1085, les arabes vont apprécier l’endroit et l’enrichir de leur savoir-faire et de nombreux monuments pour ensuite passer la main à Alphonse VI, Alphonse VII la proclamant ville impériale. Le Parador de Tolède est idéalement placé et permet d’embraser toute la ville d’un seul regard. La vue est inoubliable et ne laisse pas d’impressionner par le nombre de clochers et d’édifices majestueux qui ornent la cité.
Circuit 1
L’idéal pour la visite de Tolède est de stationner au parking « Corallilo San Miguel », à l’est de la ville. De là, tout proche de la Cathédrale, il suffit se suivre la carretera San Justo pour y parvenir. La façade de la Cathédrale s’ouvre sur la place de l’Ayuntamento où se trouvent, comme il se doit, l’hôtel de ville (XVII°) mais aussi l’archevêché (XVIII°) et le tribunal (XIV°). La Cathédrale a une histoire longue et mouvementée, sa fondation remontant au temps wisigothique (VI°) par le roi Reccares Ier et par Saint Eugène, premier évêque de Tolède. Elle deviendra, comme c’est naturel, mosquée à la période musulmane jusqu’à voir le roi Saint Ferdinand en jeter les nouvelles fondations en 1227, l’achèvement de l’édifice se faisant en 1493. Edifiée en pur style gothique français, on remarque, sur sa façade tardive, percée de trois portes, une étonnante cène les surmontant. Sur la gauche, une tour haute de 90m fut érigée entre 1380 et 1440.
Le vaste intérieur se développe sur 5 nefs, bordées de 22 chapelles rayonnantes. La partie centrale est occupée par le Transcoro et le Coro, orné d’une belle vierge en marbre blanc du XII°, d’origine française. Les stalles du Coro sont remarquables, en particulier les « miséricordes », les bas-reliefs supérieurs en bois narrant la conquête du Royaume de Grenade par les Rois Catholiques. De l’autre côté du transept, la Capilla Mayor accueille un grand retable dans le style gothique flamboyant. Le déambulatoire est remarquable, avec, en particulier, le « Transparent » (1732) œuvre monumentale de style Churrigueresque*, véritable 3D avant l’heure et qui joue, à travers un puits de lumière, sur un assemblage de statues et d’éléments décoratifs, nimbés de lumière zénithale. L’ensemble est absolument étonnant ! Les chapelles Santiago et San Ildefonso sont également remarquables, accueillant de nombreux tombeaux et cénotaphes du XIV° au XVI° siècles. Le cénotaphe, à la différence du tombeau ne contient pas le corps mais est élevé à sa mémoire. Impossible de visiter le cloître et la chapelle San Blas, en travaux en 2011. Sortant de la cathédrale, on remonte la rampe longeant l’Ayuntamiento pour emprunter la carretera El Salvador (église San Salvador sur l’emplacement d’une mosquée) puis descendre la carrer El taller del Moro. A proximité se trouve « l’atelier du Maure », petit palais de style Mudéjar, fermé pour travaux. Poursuivant le chemin, on parvient à l’église San Tomé. Santo Tomé constitue le point de départ d’un parcours « El Greco ». cette petite église gothique et mudéjare présente l’une des œuvres majeures de Domenikos Theotokopoulos (1541-1614), dit El Greco. Cette toile de grandes dimensions représente l’enterrement du Comte d’Orgaz. Sur la place del Conde s’ouvre le palais des comtes de Fuensalida (XV°). De là ; on rejoint la Casa del Greco, récemment restaurée, belle maison à l’architecture tolédane typique du XVI° siècle. De nombreuses œuvres du maître y sont exposées et l’on peut voir l’un des ateliers du grand artiste. On passe ensuite, à droite, devant le Musée Séfarade pour remonter la calle San Juan de Dios puis l’in tourne à gauche dans la calle de la Juderia, au cœur de l’ancien quartier juif. On arrive à la synagogue, ancienne mosquée de style almohade, aujourd’hui église de Santa Maria la Blanca, bel exemple de syncrétisme… Suivant la calle de los Reyes Catholicos, on parvient au monastère de Los Reyes. Ce couvent franciscain fut édifié en 1476 par les Rois catholiques (Isabelle Ière de Castille et Ferdinand II d’Aragon) en célébration de la victoire de Toro sur le voisin portugais, dans le but d’accueillir les sépultures royales. C’est un exemple rare de style gothique « Isabelin » qui ne renie pas pour autant les influences mudéjares comme en témoigne le plafond du cloître au 1er étage. Le style plateresque s’invite également en couronnement des arcades. Tolède est d’une richesse inimaginable et tant d’œuvres de qualité imposent un temps de repos pour les apprécier.
* Ce terme désigne le baroquisme assez surchargé qui caractérise l'architecture espagnole au début du XVIIIème siècle. Le churrigueresque se caractérise par une profusion de décorations sculpturales. Ce style s'est développé en Espagne vers la fin du XVIIe siècle. L'adjectif s'est formé à partir du nom d'une famille d'architectes et de sculpteurs espagnols, appelée Churriguera.
Circuit 2
Une seconde déambulation dans la ville de Tolède se fait en rejoignant, toujours à l’est, l’une des anciennes portes arabes de la ville en remontant la calle Cervantes dont une statue précède la porte. Celle-ci franchie, on est sur la place de Zocodover, l’ancien souk, ancienne place du marché, au pied de l’Alcazar. On emprunte, sur la droite, l’Alferitos Silleria puis l’on tourne à droite dans la calle de Cristo de la Luz pour rejoindre la mosquée du même nom. Aujourd’hui l’église/musée du Cristo de la Luz, ancienne mosquée de Bâb el Mardom, du nom de la porte voisine fut construite en 980 sur un substrat wisigothique. Bâtie en briques rouges, l’édifice de modestes dimensions n’en présente pas moins un intérieur d’une grande richesse architecturale et stylistique. On notera en particulier les 9 coupoles califales aux motifs variés, montées en surélévation. En 1186, elle fut remise par le roi à l’ordre de San Juan sous le nom de Santa Cruz. En descendant vers la sortie de la ville, ne pas manquer sur la droite la Puerta del Sol, œuvre majeure de l’architecture militaire mudéjare. Elle fut construite par l’Ordre des Hospitaliers au XIV° siècle. Reprenant la descente, on arrive à l’église de Santiago de Arrabal, très belle église du XIII° et représentation majeure du savoir-faire mudéjar. La sortie de ville est marquée par une colossale triple porte, la puerta de Bisagra, composée de plusieurs corps de bâtiments ; son nom viendrait de Bâb ash Shara, la Porte des Champs. C’est par là qu’entra Alphonse VI en 1085 lors de la reprise de la ville. On revient sur ses pas pour prendre, à l’angle de Cristo de la Luz, la calle Carmelita qui mène à San Vicente puis à l’iglesia de los Jesuitas, San Ildefonso. Là il ne faut pas hésiter à monter dans les tours, ascension facile qui permet de s’offrir une belle vue panoramique sur la ville. A proximité, San Roma se remarque par ses fresques du XIII°. De là, on peut regagner la Plazza de Zocodover par la calle Alfonso X puis l’Alferitos Silleria, parcourue à l’aller.
Il faut le redire, Tolède est de ces villes où il ne faut pas hésiter à se perdre, le risque n’est pas bien grand, les ruelles sont accueillantes et les surprises nombreuses, une invitation à laisser son guide à l’hôtel.
Jour 5 Oropesa
Un petit tour à la campagne, par Oropesa.
La poursuite de circuit se fait par la petite cité d’Oropesa en suivant vers l’ouest l’autorouteA5-A90 qui mène au Portugal. Au pied de la Sierra de Gredos, Oropesa peut s’enorgueillir de son château (XIV°) des Alvarez de Toledo. Francisco de Toledo fut le vice-roi du Pérou entre 1569 et 1581. La charge devait être gratifiante… Le château d’Oropesa, aujourd’hui Parador et premier de la série à s'installer dans un lieu historique (1930) accueillit le tournage du film « the pride and the passion » de Stanley Kramer en 1957 avec Sophia Loren, Gary Grant et Franck Sinatra. La petite ville a dessiné au long de ses rues un parcours dit « route monumentale » permettant de découvrir la richesse architecturale et l’histoire d’Oropesa. C’est une étape reposante pour se ressourcer avant de franchir la Sierra de Gredos et de partir à l’assaut des formidables murailles d’Avila.
Jour 6 Avila
La N502 traverse les beaux paysages vallonnés de la Sierra de Gredos pour s’élever tout en douceur jusqu’à 1566m d’altitude au col de Menga. Parvenu au sommet d’un vaste plateau d’altitude, il ne reste plus qu’à se laisser glisser vers Avila, à 1150 m d’altitude, ce qui en fait la capitale de province la plus haute d’Espagne.
Primitivement terre de population Ibère, le lieu séduisit les romains, les maures s’y installant à leur tour en 714. Objet de nombreuses luttes, Alphonse VI la fait rentrer dans le giron de la chrétienté ; Avila devient alors une des bases importantes de la Reconquista. Terres de croyances, Avila verra l’épanouissement de personnalités aussi fortes que Saint Jean de la Croix (1542-1591) et, bien sûr, Saint Thérèse d’Avila (1515-1582). Découvrir Avila pour la première fois fait forte impression ! La ville haute est ceinturée de hauts remparts rythmés par plus de 80 tours, le voyage dans le passé peut commencer.
Pour ne pas changer de bonnes habitudes, le Parador installé dans le palais Raimundo de Borgona constitue une bonne base de départ, à proximité immédiate de la puerta del Carmen. Le décor, somptueux, est en place, la visite peut commencer. En suivant la calle Marques de Cannales y Chozas on parvient rapidement à un vaste ensemble de bâtiments composé de la chapelle Mosen Rubi et d’un couvent dominicain. On arrive ensuite, la ville est petite, à la Puerta de San Vicente qui contrôlait l’accès est de la cité. Il faut la franchir pour aller visiter la belle et intéressante basilique San Vicente. Cet édifice de plan roman mais inscrit dans la transition gothique (XII°-XV°) présente une façade riche en sculptures et ornements cependant qu’au sud court une vaste galerie à colonnades dans laquelle s’ouvre un portail orné de belles sculptures du XII°. La promenade se poursuit en logeant les murailles, toujours « hors-les-murs » jusqu’à parvenir à l’église de Santo Tomé, église du XIII° de stylez roman qui abrite les collections archéologiques du musée d’Avila. On y remarquera les étranges « verracos » antiques sculptures rudimentaires en forme de bœuf ou de porc, supposées pierres tombales du premier millénaire. Retour en ville par la puerta del peso, à droite de la Cathédrale pour lui rendre visite. La Cathédrale d’Avila, elle aussi romane puis gothique fut érigée à partir de 1157 pour connaître un achèvement tardif au cours du XIV°. Le portail, rapporté en 1779 est de peu d’intérêt comme souvent à cette époque où la grandiloquence l’emportait sur la finesse. Le vaisseau intérieur, de belles proportions est à 3 nefs. Une porte romane donne accès au cloître gothique. L’ambiance générale au sein de ce vaste bâtiment est assez poussiéreuse… De la Cathédrale on rejoint la vaste plaza del Mercado Chico par la calle del Reyes Catolicos, avec à droite l’Ayuntamento et à gauche l’église San Juan. En sortant de la place par la gauche, prendre la calle Sancho d’Avilla, on a face à soi la massive tour des Guzman, bordée par la Plaza Corral de Campana. On est là au cœur d’un ensemble inextricable de palais et couvents étroitement imbriqués les uns aux autres. Revenant vers le centre ville par la calle Santo Domingo on longe la calle Tres Tazas puis l’on sort de la ville par la puerta del Carmen pour aller découvrir le monasterio de la Encarnacion, là où débuta l’aventure mystique de Thérèse… Descendant la rampe vers le nord on aboutit au monastère par la rue du même nom. Ce couvent de carmélites, fondé en 1499, accueillit la future sainte le 2 novembre 1553. Elle y vécut durant 27 années au cours desquelles elle mena une importante mission de réforme des règles du Carmel. Visite intéressante qui permet de comprendre ce qu’étaient les règles de la vie monastique de l’époque. Au retour, on pourra, si elle est ouverte, visiter la charmante église San Martin (1705) flanquée d’une belle tour romane. Voilà pour l’essentiel ce qui peut être dit d’Avila, là aussi, une libre déambulation au gré des ruelles et au long des remparts permettra une découverte personnelle et une proximité pour certaines architectures que ne saura jamais décrire aucun guide. Il ne faut pas oublier de consacrer un peu de temps au musée d’Avila qui raconte bien la vie et les coutumes locales. Pour finir sur une énième banalité, Avila se quitte à regret mais près de 900 Km restent à parcourir pour revenir vers la France, alors…