Routes d'Andalousie, les voies de la tolérance...
En ces temps d'intolérance et sous des cieux encombrés de nuages aussi gris que tenaces, l'envie était grande d'aller voir si, plus au sud, un peu de soleil réchauffait la vieille terre arabo-andalouse. Et d'essayer de comprendre ce qui pendant quelques siècles fut le lieu d'épanouissement et de cohabitation des trois cultures des “peuples du livre“. Un circuit qui va nous emmener successivement et par étapes à Valence, Grenade, Séville, Cordoue et sur le retour, Ségovie, Burgos pour terminer à Hondarribia, à la frontière française.
Banyuls-sur-Mer, 29 mai 2013
première journée
Jeudi 30 mai 2013
Heureuse surprise, le soleil est revenu et réchauffe Valencia.
Notre histoire commence donc là où s'acheva celle très enjolivée du “merveilleux“ Cid Campéador, Rodriguo Diaz de Bivar, sans doute le plus authentique mercenaire de tous les temps et l'un des héros les plus frustrés qui puisse se rencontrer. L'époque était complexe et pleine d'actions entremêlées, le Cid y participa pleinement.
La thématique de ce voyage porte essentiellement sur la période de la présence arabe en terre d'Espagne du VIIIème au XVème siècle et à l'architecture chrétienne qui lui répond immédiatement. L'intérêt est donc centré sur le cœur des villes concernées, un prochain voyage abordera les campagnes et autres sites isolés.
L'Hôtel “Petit Palace Bristol“ est au cœur de Valencia et pour s'y rendre, il faut aller mettre sa voiture au parking “Central“ tout proche et, de là, rejoindre l'hôtel à pied. Du 5ème étage on profite d'un intéressant point de vue sur l'enchevêtrement des toitures et terrasses.
Depuis l'hôtel, on rejoint la Plaza de la Reina puis, juste au dessus, l'ensemble Cathédrale et Basilique. Comme souvent en Espagne, un temple romain a précédé une église wisigothique à laquelle a succédé une mosquée qui céda le pas, comme c'est le cas ici, à la Cathédrale. Dés 1095, dédié à Saint Pierre par le Cid, l'édifice fut refondé par Jacques 1er d'Aragon à partir de 1262 pour devenir une cathédrale dédiée cette fois à la Vierge. On s'attardera à la visite de la chapelle du Santo Caliz qui renferme selon la légende un calice qui serait le Saint Graal. Les lourdes chaînes accrochées au mur provienne t du port de Marseille dont elles furent enlevées en 1423 par les aragonais.
Détail intéressant, au portail des Aposteles, tous les jeudis à 12h00, se tient le Tribunal des Eaux. Il s'agit d'une institution établie par le roi Jacques Ier au Moyen Âge, formée de huit laboureurs élus tous les deux ans par les agriculteurs irrigateurs de la huerta de Valence, et dont l'objectif est de faire justice dans le domaine de l'irrigation et de la distribution de l'eau du Turia, à travers une procédure orale et en langue valencienne, dont les verdicts sont sans appel. Le Tribunal des Eaux reste encore aujourd'hui une institution modèle.
Le musée de la Cathédrale mérite également la visite avec, entre autres, des toiles de jeunesse de Goya.
On quitte la Cathédrale par le nord en suivant la calle Navellos pour aller vers le Conde de Trénor, large boulevard qui suit le tracé des anciens remparts. On est à la porte nord de la ville, fermée par les “ Torres de Serranos“, vaste ensemble fortifié reconstruit au XIV° siècle. De là, par la calle Serranos, on redescend vers le marché Central qui jouxte le superbe édifice de la “Lonja de la Seda", ancienne loge de commerce de la soie. Admirable d'équilibre, ce bâtiment est un témoin de l'architecture civile du XV° siècle.
De style gothique flamboyant (mais pas trop...) son architecture d'une grande légèreté se caractérise par l'emploi de colonnes torses dans le grand hall. Le centre ville se parcourt agréablement, à pied, de place en place, révélant d'agréables jardins et parcs. Il ne faut pas manquer la place Ayuntamiento où se trouve comme son nom l'indique, l'hôtel de ville. Parmi de beaux immeubles, on remarquera en particulier celui, spectaculaire de la Poste centrale surmonté d'un phare métallique tout à fait dans le goût de l'époque (fin XIX° ?).
Pour finir la journée sur une authentique note locale, hors des “attrape-touristes", un restaurant simple et très accueillant, “La Utielana“, plaza Picadero de dos Aguas. On s'approche là au plus près d'un restaurant populaire comme il n'en reste plus guère...
Seconde journée
vendredi 31 mai 2013
Liaison Valencia - Granada ; un peu plus de 520 km pour réaliser la jonction par autoroute. Les 250 premiers kilomètres sont abrutissants car on ne sort pas d'une sorte de friche continue de bâtiments plus ou moins industriels parfaitement déprimante.
Les petites routes seraient plus sympathiques mais plus longues à parcourir...
Dés l'entrée en Andalousie, le changement est radical ! On retrouve enfin un paysage où porter le regard. L'arrivée sur Granada s'effectue sans difficulté mais requiert par la suite plus de vigilance dans la vieille ville. Avec prudence, on longe le Rio Darro pour parvenir au pied du vieux quartier de l'Albaicin à l'hôtel “Casa Morisca“ dans l'impasse de la cuesta Victoria. Excellent hôtel qui plonge d'entrée de jeu le voyageur dans l'atmosphère arabo-andalouse, les quelques chambres s'organisant avec élégance autour d'un frais patio.
Au pied de l'Alhambra dont les conditions de visite sont assez complexes (réservation obligatoire à l'avance), ce premier après-midi est consacré à la découverte d'édifices intéressants, postérieurs à la “reconquista“.
Redescendant vers la plaza Santa Anna on parvient rapidement à la Gran Via de Colon, artère centrale que l'on remonte sur la droite jusqu'à la Cathédrale de Granada.
Celle-ci, symbole de l'Espagne chrétienne enfin conquise se devait d'être un édifice exceptionnel. Commencée Gothique et achevée Renaissance, l'édifice n'est pas des plus légers, se singularisant par un espace intérieur à 5 nefs rythmé, par d'énormes colonnes peu élégantes.. En dehors de cela la décoration est surabondante mais de qualité, en particulier dans la Capilla Mayor.
La Capilla Real, de style gothique, contient les dépouilles de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille, protégées par une belle grille de style plateresque ainsi que les tombes ou cénotaphes d'autres souverains espagnols.
La Cathédrale est enchâssée dans un lacis de ruelles et de places dont on peut s'extraire en empruntant la calle San Jeronimo pour parvenir à la Colegiata de San Justo Y Pastor (XVI°). Il ne faut pas hésiter à pénétrer dans le vaste patio de cet établissement, avec l'autorisation du portier. On se croirait presque à Oxford..nous sommes là dans une annexe de l'Université, elle-même installée dans un ancien collège des Jésuites du XVIII°.
Juste à la suite se trouve le Colegio Mayor de San Bartolomé y Santiago (XVI°) puis le monasterio de San Jeronimo, bâti à partir de 1496. Là, c'est le choc : toute la puissance “post reconquista“ exprimée dans un édifice ornementé et décoré à foison dont pratiquement pas un m2 n'échappe à l'expression imagée. En contrepoint, le beau cloître à étage, planté d'agrumes est frais et reposant. L'ensemble est assez unique et à ne surtout pas manquer.
Revenant sur nos pas et franchissant le parvis de la Cathédrale par la calle Alcaceria, on arrive, après avoir franchi la calle Reyes Catolicos, au Corral del Carbon, discret témoin de l'époque où l'on accueillait marchands et voyageurs. Le Corral del Carbon est en effet un ancien caravansérail datant du XIV° siècle. Transformé en théâtre après la conquête, il devint au XVII° le lieu de transaction pour le charbon. Pour conclure ce prelmier après-midi fort bien occupé, on fera étape à l'église Santa Anna, installée dans les murs d'une ancienne mosquée de quartier. Remontant le long du rio Darro, sur la gauche se trouvent d'anciens bains arabes parmi les mieux conservés d'Espagne.
En soirée, il faut grimper les ruelles de l'Albaicin où de nombreux restaurants offrent une vue inoubliable sur l'Alhambra illuminé. Tout en haut du quartier, l'esplanade devant l'iglesia de San Nicolas offre un des plus beaux points de vue qui puisse s'imaginer.
troisième journée
samedi 1er juin 2013
Journée toute entière, ou presque, consacrée à la visite de l'Alhambra et du Generalife.
C'est une invitation à découvrir un autre monde, un monde perdu, d'ailleurs...
Attention, tout n'a pas été rose pendant les 7 siècles de l'occupation de l'Espagne par les arabes mais force est de constater qu'ils ont su transformer une contrée plongée dans les ténèbres wisigothiques succédant à l'extinction de l'empire romain en un pays fertile, multi culturel et pluri confessionnel. L'histoire arabo andalouse, du VIII° au XV° siècles est d'une telle complexité que j'invite à la lecture d'ouvrages spécialisés qui permettront à chacun de se familiariser avec les Omeyades, puis les Abbassides, suivis par les Almoravides auxquels succèderont finalement les Almohades... et cela pour les grandes lignes !
Cette richesse et cette diversité vont bien naturellement conduire à un épanouissement culturel sans égal pour l'époque et cela dans le strict respect des religions et de leurs différences. Bien sûr, c'était mieux de se convertir à l'Islam mais on pouvait rester chrétien ou juif et vivre sa vie, normalement. Seuls les païens étaient mal acceptés par les arabes. Il fallait donc choisir.
L'émerveillement que chacun ressent lors de la visite de l'Alhambra tient surtout à la recherche permanente de l'équilibre. ici, point de grandiloquence tapageuse ou outrancière mais un désir profond d'être en harmonie avec soi-même et la nature.
Tant de douceur n'a pas empêché le massacre de 36 chevaliers de la tribu maure des Abancérages sous une merveilleuse coupole à pendentifs d'une rare délicatesse...
(il semblerait toute fois qu'il s'agisse d'une légende).
Ayant descendu au long du rio Darro jusqu'à la Chancellerie, on tourne à gauche dans la cuesta de Gomerez jusqu'à la puerta de la Granadas. La montée, raide, mène à la puerta de la Justicia par laquelle on pénètre dans l'Alhambra. Au passage, on n'aura pas manqué de saluer Washington Irving (1783-1859), auteur apprécié des “Contes de l'Alhambra“, premier écrivain américain à avoir obtenu une reconnaissance internationale.
Ce que l'on dénomme Alhambra (le rouge, en arabe) est en fait un ensemble de bâtiments dont la cohérence chronologique est très évidente au fil de la visite.
Entrant par la porte de la Justicia (1348), riche en symboles, puis franchissant la puerta del Vino, on accède à la Plaza de Los Algibes que l'on traverse pour commencer la découverte des lieux par l'Alcazaba, forteresse édifiée au cours du XIII° siècle. Du haut de la tour de la Vela, belle vue sur Grenade.
La visite des Palais Nasrides étant réglementée pour limiter le nombre de visiteurs ponctuels, on consacre le temps libre à la découverte générale du site et à la visite du Generalife situé sur les hauteurs de l'Alhambra. Le Djennan al Arif (jardin des élevés) édifié à la fin du XIII° siècle, était la résidence de campagne des émirs de Granada. L'ensemble des bâtiments simples et dépourvus de particularité architecturale invite à une délicieuse déambulation au long des jardins andalous ponctués de bassins et traversés de canaux qui rend l'eau omniprésente.
Ces jardins sont l'expression terrestre du paradis si bien décrit dans le Coran.
Redescendant dans l'Alhambra et avant l'heure fixée pour la visite des palais, on ira visiter le très beau palais du Partal (Tour des Dames), un des derniers représentants de l'architecture civile de l'Alhambra, rappelant que d'illustres familles grenadines vivaient alors sur le site. Si les bassins sont récents, le palais du Partal (portique) fut édifié sous Muhammad III (1302-1309). Un oratoire est situé sur le côté et offrait une vaste vue sur la contrée (en cours de restauration). D'autres palais sont édifiés dans les tours du système de défense et ne se visitent malheureusement pas (tour de la captive, tour des infantes).
Mais l'heure a sonné et l'accès aux palais Nasrides est désormais autorisé !
Le Palais Royal est un ensemble de trois palais qui se succèdent dans le temps et dans la forme avec, pour chacun, une fonction particulière. On parcourt donc successivement le Mexuar, le Palais des Comares, enfin le Palais des Lions.
Le Mexuar qui fut d'abord la première résidence officielle du monarque servait de lieu d'audience réservé au public ainsi qu'à l'administration de la justice.
Le Palais des Comares devint alors la résidence officielle du Roi cependant que le Palais des Lions accueillait le Harem. La meilleure description des lieux se trouve dans les guides et ouvrages bien documentés, on en trouve d'ailleurs d'excellents sur place
(le guide Grenade et l'Alhambra des éditions Miguel Sanchez dû à Rafael Hierro Calleja est remarquable).
Parcourir ces palais ne se raconte pas ; à chacun son ressenti mais nul ne peut rester indifférent à cet atmosphère à la fois faite de raffinement, d'élégance et d'une certaine austérité. Les conquérants de 1492 furent tellement émerveillés de ce qu’ils découvrirent qu'ils eurent la sagesse de ne point détruire mais de s'en inspirer pour bâtie l'autre Granada, de la Renaissance au Néo-Classicisme.
Charles Quint, dont le palais reste inachevé, voulut marquer de son empreinte la possession du lieu mais fit édifier un bâtiment assez hétérogène et finalement assez laid, sans empiéter vraiment sur l'espace des palais Nasrides. Il témoignait là une forme de respect à une beauté inégalable.
Il ne faut pas hésiter à aller et venir à contre-sens de la visite car une fois dans ces lieux on échappe au temps et il est souhaitable d'échapper au flux touristique...
Quand vient le moment de s'arracher à l'envoûtement d'un tel endroit, il faut alors continuer à errer, sans but, dur cette acropole arabo-musulmane pour le seul plaisir de se dire que l'on a peut-être foulé un petit morceau d'une forme de paradis terrestre.
Le retour à la Granada moderne est alors infernal !
quatrième journée
dimanche 2 juin 2013
Granada - Sevilla, à peine 250 km et pourtant tout un monde sépare ces deux villes...
Dans la succession de lieux que propose le voyage, certains attirent plus que d'autres, sans raison particulière. La réalité d'un lieu, d'une ville s'affirme sur place, pas dans un livre ou à l'écran, suscitant l'adhésion ou l'indifférence...
C'est le propre du statut de “voyageur“ que de confronter son imaginaire à la réalité d'un lieu. Sans appétit particulier pour Sevilla, cela s'est confirmé. Le fait d'orienter ce périple dans la perspective de l'Andalousie Arabo-musulmane place logiquement Sevilla en contrepoint puisque c'est par essence même la cité symbole de l'orgueil de la reconquista. Ici, excepté l'Alcazar, fort beau et bien récupéré, tout célèbre les souverains conquérants et la fin d'une parenthèse de civilisation de près de 8 siècles.
Cette observation personnelle faite, Sevilla est une belle ville qui sait réserver de belles découvertes.
Pour y séjourner, au cœur du quartier historique de Santa Cruz, on peut choisir sans hésiter l'extraordinaire “Casa de la Juderia“, hôtel-quartier à lui seul, agglomérat de maisons du quartier juif irrigué d'un lacis de ruelles et éclairé par de ravissants patios.
C'est une expérience unique.
Une fois n'est pas coutume, la découverte de la ville s'accommode bien d'une promenade en calèche. C'est d'abord très agréable et cela correspond bien à l'esprit de la ville.
Au départ de la Cathédrale, la calèche nous emmène par la Puerta de Jerez puis en longeant le Guadalquivir, vers la plaza de Espana en passant devant la Torre del Oro (construction Almohade du XIII°) puis le long de l'ancienne fabrique de tabac. Là, on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée pour Mérimée...
On apprécie l'ombre sous les frondaisons du parque Maria Luisa jusqu'à découvrir l'extravagant bâtiment en hémicycle édifié à l'occasion de la Foire Ibero-Americaine qui eut lieu en 1929. Initialement prévue en 1911 pour relancer une dynamique économique affectée par la perte de Cuba et la fin de l'Empire colonial espagnol, l'exposition fut retardée par des évènements politiques (dictature de Primo de Rivera) et la Première Guerre Mondiale.
On retrouve çà et là, dans le parc d'autres édifices construits pour la circonstance dont un très beau palais “néo-mudéjar“ qui abrite aujourd'hui le Musée des Arts et Coutumes populaires.
Cette délicieuse promenade en calèche nous ramène au cœur de la ville, plaza del Triumfo, au pied de la Cathédrale. Celle-ci est bien ce qu’elle devait être : l’expression boursouflée et suffisante de l’orgueil de la reconquista. Ici, le choix a été fait de bâtir à neuf en 1420 bien que la ville ait été reconquise dés 1243 par Fernando III.
Pendant deux siècles se poursuivit une cohabitation basée sur une certaine tolérance jusqu’à cette funeste année 1492…
C’est bien sûr sur l’emplacement de la Grande Mosquée que l’on construisit la Cathédrale dont on souhaita qu’aucune autre n’en put être l’égale“ Pari tenu et c’est heureux !
Une partie de l’édifice est en visite libre, l’autre est payante mais ouverte au bon gré de ceux qui en ont la charge et peut-être close sans aucune information…
La décoration intérieure est lourde et étouffante et ne mérite qu’un regard rapide.
La seule partie élégante de la Cathédrale est la Giralda, l’ancien minaret de la mosquée, érigé à la fin du XII° siècle. Haut de près de 100 m il fut à peine maquillé lors de sa reconversion. Le nom de Giralda lui vient de la girouette qui le couronne.
L’édifice remarquable de Séville pour qui s’intéresse au patrimoine Arabo-andalou, c’est l’Alcazar ; ici, on plonge au cœur de l’histoire puisque c’est dés 844, sous le règne d’Abd al-Rahman II que démarre sa construction. Ce fut, à l’origine, la résidence des gouverneurs du califat à Séville. Le califat démantelé, l’Alcazar de Séville va connaître son apogée avec l’émergence du royaume des Taïfas. C’est un édifice remarquable dont la splendeur n’a pas échappé aux souverains qui reprirent la ville aux arabes. Ainsi, Pierre le Cruel au XIVème procéda à l’extension du palais en faisant recours à une main d’œuvre et à de brillants artistes appelés de Toledo mais aussi de Granada, toujours sous domination arabe…
Des souverains chrétiens éclairés poursuivirent-ils ainsi l’œuvre de rois arbes dans un continuum architectural inégalé par ailleurs. Au pied de l’Alcazar se déploient de vastes jardins tels que voulus par les souverains Almohades.
Rassurés par la sagesse et la clairvoyance de quelques monarques que la destruction n’a pas été leur seule motivation, on peut s’engager dans le vieux quartier de santa Cruz et marcher paisiblement dans les ruelles entrecoupées de placettes, sans oublier de discrets patios qui s’offrent discrètement au regard, çà et là.
cinquième journée
lundi 3 juin 2013
Cette nouvelle journée de voyage, la plus courte, va nous mener à Cordoba, distante d’environ 130 km. C’est à nouveau dans le barrio de la Juderia que se trouve l’hôtel retenu sur la plaza Maïmonides (tout un programme).
Cordoba est une invitation à la flânerie. La ville, sensiblement moins touristique que ses deux prestigieuses voisines est parfaitement calme avant 11h00 et après 18h00, c’est appréciable. Si la grande mosquée est bien sûr l’édifice emblématique de la ville,
L’Alcazar mérite aussi l’attention.
C’est en parcourant l’impressionnante forêt de colonnes de la Mosquée de Cordoba que l’on revient au plus près de ce que furent les débuts de l’implantation de l’islam en terre d’Espagne. Edifiée sur une église Wisigothe (St Vincent) après indemnisation des mozarabes, Abd Ar Rahman entreprit là, à partir de 785, une construction qui devait rivaliser avec la grande mosquée des Omeyades de Damas dont il avait été chassé.
Bien que la construction et ses agrandissements s’étalèrent sur plus de 3 siècles, il est quasiment impossible de percevoir la moindre rupture de style. La structure en colonnade se développe et se propage en tous sens sans que l’on puisse percevoir les limites de la construction. Ici tout était harmonie…
Harmonie que s’empressèrent de rompre les nouveaux occupants des lieux, après la conquête de Cordoba en 1236. Cependant, jusqu’en 1523, il ne s’agit que d’aménagements mineurs ne remettant pas en cause l’homogénéité architecturale.
Le pire était à venir… Le chapitre décida de construire “intra-muros“ une cathédrale digne de ce nom. Bien que Charles Quint eut donné son accord au projet, il exprima quand il vint sur place, 3 ans après, cette remarque terrible : “Si j’avais su ce que vous alliez faire, vous ne l’auriez pas fait car ce que vous avez fait là peut se trouver n’importe où et ce vous aviez auparavant n’existe nulle part ailleurs…“.
Sentence qui condamne la bêtise et l’inconséquence de l’architecte Hernàn Ruiz et de ceux qui lui ont confié la charge de l’exécution.
Il faut cependant pondérer cette réaction et consdérer comme heureux que la plus grande partie de la Mosquée ait été préservée. On parcourt donc la salle prière et l’on circule entre les fûts de colonnes (850) au rythme de 19 vaisseaux de 36 travées. La hauteur n’excédant pas 11 m, le lieu conserve une intimité inhabituelle pour une telle surface bâtie. Cette belle sobriété s’égaie quand on parvient au Mihrab édifié par Abd Ar Rahman II, à partir de 962 et poursuivi sous le règne d’Al Hakam II.
Un Mihrab aussi richement décoré est assez rare dans l’architecture arabe.
On n’en finit pas de déambuler, sans but, pour le plaisir de s’abandonner dans cet espace parfait…
Revenu à l’extérieur, on s’intéressera aux belles portes ornées dont la plus remarquable est la puerta de Palacios, la plus ancienne étant la puerta de san Estéban, du IX ème siècle.
Depuis la Mosquée et avant de rejoindre l’Alcazar, on franchira le Guadalquivir sur le vieux pont d’origine romaine après avoir franchi la puerta del Puente, construite en 1571 pendant le règne de Philippe II. L’autre extrémité du pont était protégée par la torre de la Calahorra. En revenant sur ses pas, on peut voir sur le bord du fleuve la reconstitution d’une noria qui servait à alimenter en eau jardins et palais.
En tournant à gauche après la puerta del Puente on se dirige vers le vieil Alcazar de los Reyes Christianos. C’est là qu’eut lieu une des nombreuses entrevues entre les Rois Catholiques et Christophe Colomb (il ne faut pas s’imaginer que l’affaire s’est faite toute seule…).
L’Alcazar de los Reyes Christianos fut édifié au XIV° sous le règne d’Alphonse XI. On peut y admirer de belles mosaïques romaines qui attestent de l’importance de la cité à cette époque mais ce sont surtout les jardins qui dans la chaleur (qui peut être torride !) de Cordoba sont un havre de paix et de fraîcheur. Délicate attention de la mairie de Cordoba, en conservant votre ticket d’entrée, vous êtes invités, la nuit tombée à assister à la projection d’un audio visuel sur l’histoire de la ville suivi d’une déambulation dans les jardins, au long des bassins, agrémentée d’un spectacle musical et aquatique du meilleur effet…
Quittant l’Alcazar, on remonte en flânant dans le vieux quartier de la Juderia, bordé par les remparts, jusqu’à la puerta de Almodóvar.
sixième journée
mardi 4 juin 2013
Il faut donc quitter Cordoba, avec la ferme conviction d’y revenir au plus vite.
Direction Segovia, ce qui, en soi, est une consolation.
La jonction autoroutière est pratique et malgré l’accès un peu bizarre au Parador de Segovia, on apprécie, depuis cette position dominante, de pouvoir d’un seul regard contempler la vieille cité enfermée dans ses remparts.
Segovia serait-elle une forme idéale de la ville espagnole ? Perchée à plus de 1000 mètres d’altitude, elle pourrait être, à elle seule, un condensé de l’Espagne, étirant son histoire, depuis la Rome antique et offrant, jusqu’au Gothique tardif, un merveilleux catalogue d’architecture et de style de vie.
On trouve à stationner aisément, presqu’au pied du monumental aqueduc qui marque l’entrée de ville. La cité, relativement compacte, se parcourt aisément à pied jusqu’à l’éperon qui supporte l’Alcazar.
L’aqueduc romain est proprement sidérant de puissance et d’équilibre, tout à la fois. Long de plus de 800 m et reposant sur 128 arches, il culmine à 28,50 m de haut avec élégance par son élévation sur 2 niveaux.
Pour se rendre dans la ville haute, la “vieille ville“, on remonte la calle de Cervantès puis la calle Juan Bravo qui nous amène à la plaza Medina del Campo où se dresse l’intéressante église San Martin (XII°) avec cette particularité d’être ceinturée d’une large galerie à colonnes, sur 3 faces. Le chevet de l’église est enchâssée dans un ensemble de belles maisons anciennes. Poursuivant, on aboutit à la plaza Mayor sur laquelle donne le chevet de la Cathédrale de Nostra Señora de la Asunción y san Frutos (le saint patron de Segovia). La Cathédrale fut édifiée au cours du XVIème siècle dans un curieux prolongement de gothique pour le moins tardif… Elle remplaçait l’ancienne Cathédrale romane santa Maria ruinée en 152& pendant la guerre des “Commidades“ (sorte de révolte anti-seigneuriale) et c’est sous Charles Quint, encore et souvent lui, que fut engagée la construction du nouveau bâtiment. Toutefois, il faudra attendre 1768 pour sa consécration, soit environ deux siècles et demi… L’édifice se singularise par le développement et l’ampleur de ses 3 nefs. Sorti de la Cathédrale, on s’engage vers la plaza de la Merced pour descendre ensuite la calle de Daoiz qui mène à l’Alcazar. Chemin faisant, on remarque nombres de maisons de qualité aux façades agrémentées de décors en sgraffite.
L’Alcazar de Segovia est un Alcazar de rêve et ferait un merveilleux décor d’Opéra.
Il a toutes les caractéristiques attendues du château espagnol, fier et altier, dominant la vallée qu’il surplombe du haut du piton sur lequel il s’accroche. C’est Henri II de Castille qui en décida la construction au cours du XIVème siècle sur un substrat de construction arabe. La visite est plaisante (peintures, mobiliers, décoration) et offre de beaux points de vue, en particulier sur la curieuse église de la Vera Cruz, d’époque romane (1246) de forme polygonale. On peut revenir par la ronda de Don Juan II qui longe les anciens remparts et donne une belle perpective sur la vallèe del Clamores. On remonte ensuite à gauche puis à droite pour longer la Cathédrale et traverser le vieux quartier juif. Ensuite, il faut rejoindre la plaza Mayor puis aller par la plaza del Potro vers un bel ensemble d’édifices (Couvent San Dominguo, isglesio San Estéban, Palacio Episcopal, casa del Secretario, isglesio de San Quirz, de San Nicolas, couvent des Capucins). Tout cela réparti autour de petites places avec infiniment de charme et dans une quiétude sereine. Segovia mérite vraiment que l’on y fasse étape.
septième journée
mercredi 5 juin 2013
Le périple touche à sa fin et, avant de rejoindre Hondarribia, sur l’embouchure de la Bidassoa, on ne saurait manquer de faire étape à Burgos, ville très conservatrice d’Espagne mais dont la Cathédrale s’impose à la visite.
On est là au cœur de l’Espagne ancestrale, en “Vieille Castille“, sur des terres reconquises dés le IXème siècle. Ici, peu de place à la tolérance et le “généralissime“ y est encore honoré, pour ne pas dire plus…
C’est aussi la ville du Cid, complexe héros de la lutte contre les Maures.
Bastion avancé face au monde arabe, Burgos, fidèle à sa tradition fut, de 1936 jusqu’à la prise de Madrid en 1939, le siège du gouvernement nationaliste.
Ne faisant qu’une étape à Burgos, c’est la Cathédrale qui retient toute notre attention.
Il faut prévoir plus de deux heures tant l’édifice est passionnant !
Ayant rejoint la vaste plaza Mayor après avoir franchi l’impressionnante porte qu’est l’Arco de Santa-Maria, ornée de nombreuses statues, on est au pied de la Cathédrale.
Celle-ci se développe sur un plan composé de 3 larges nefs avec au centre un transept de vaste dimension. Le tout est entouré d’un nombre considérables de chapelles rayonnantes. Vers la capilla Mayor, on admirera la coupole qui culmine à 50 m de hauteur. A propos du Cid et de Chimène, l’amour de sa vie, on pouvait espérer mieux que la discrète pierre tombale qui rappelle leur mémoire. Par contre, peinture set retables ornent à foison le vénérable édifice, commencé en 1221 et achevé 3 siècles plus tard. Un beau cloître Gothique (fin XIII°) se signale par son occultation en verrière et vitrail clairs et d’intéressants groupes sculptés aux angles intérieurs. Un guide papier bien documenté s’avère des plus utiles pour profiter de cette Cathédrale exceptionnellement riche. Au sortir de cette visite marquante, il faut reprendre la route car il reste un peu de chemin et, malheureusement, le temps manque pour aller visite le monasterio de la Huelgas.
L’arrivée à Hondarribia et l’installation dans le vieux Parador qui domine l’embouchure signifie la fin du voyage ; Hendaye est en point de mire…
Une agréable promenade dans les vieilles rues de la ville close puis un délicieux dîner ramènent à la réalité, il faudra donc revenir, et c’est un plaisir…
Parmi tant de moments privilégiés que sait offrir l’Espagne, il y a celui de dormir ce soir dans l’un des nombreux palais de Charles Quint, qui nous a accompagné tout au long du
voyage. Mais, peut-on nourrir ses rêves de châteaux en Espagne ? Au réveil, il n’en reste rien… D’ailleurs, il n’y a que nous qui rêvons de bâtir des châteaux en Espagne, les espagnols préfèrent “bâtir des châteaux en l’air…“ Tout un programme !